Une chance historique d’en finir avec la tuberculose

13 mars 2018 par Lucica Ditiu et Peter Sands

Dans le monde, plus de 10 millions de personnes développent la tuberculose chaque année et 40 pour cent d’entre elles ne sont ni diagnostiquées, ni traitées, ni signalées par les systèmes de santé. Bien que l’on puisse guérir de la tuberculose, elle demeure la principale cause de décès imputable à une maladie infectieuse et la première cause de mortalité pour les personnes vivant avec le VIH. Se propageant par les voies aériennes, la tuberculose fait peser une menace mondiale sur la sécurité sanitaire et continue de frapper avant tout les plus démunis.

Nul ne contestera qu’il soit inacceptable en termes de souffrance humaine ou de  fardeau économique que 5000 personnes meurent chaque jour du fait de la tuberculose. En septembre, la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée à la tuberculose offrira aux chefs d’État une occasion rêvée de placer la barre plus haut et d’infléchir de manière décisive la progression de la maladie.

Or, nous devons resserrer les rangs, maintenant. Narendra Modi, le Premier ministre indien, sera l’invité d’honneur du Sommet sur la fin de la tuberculose qui aura lieu cette semaine à Delhi, en Inde. L’OMS et le Partenariat Halte à la tuberculose y lanceront une initiative conjointe visant à retrouver les 4 millions de personnes porteuses de la maladie qui manquent à l’appel. Cela s’inscrit dans la continuité d’une initiative stratégique déjà mise en place par le Fonds mondial, en association avec le Partenariat Halte à la tuberculose, l’OMS et d’autres partenaires, ce qui contribuera à trouver 1,5 million de personnes supplémentaires porteuses de la maladie dans 13 pays d’ici 2020. Nous espérons que ces initiatives se traduiront sur le terrain par une véritable impulsion politique et des actions pour en finir avec la tuberculose.

L’Inde compte environ 27 pour cent du nombre total estimé de patients tuberculeux dans le monde, et un quart des patients pharmacorésistants. Le Premier ministre Modi montre la voie et fait preuve d’un engagement politique extraordinaire en visant la fin de la tuberculose en Inde d’ici 2025, en avance de cinq ans sur l’objectif mondial. De plus, le Gouvernement indien a presque doublé le budget alloué à la tuberculose pour l’exercice 2017/2018, et a affecté 100 millions de dollars US supplémentaires pour l’exercice 2018/2019 dans le but d’alléger le fardeau financier qui pèse sur les patients tuberculeux au cours de leur traitement. Voilà le genre d’initiative que nous voulons voir reproduite dans les 30 pays fortement touchés.

Protéger l’Inde et le monde d’une maladie infectieuse répond à des motifs économiques évidents. Ainsi, selon un rapport publié en 2017 par le Global TB Caucus à propos des conséquences qu’aurait sur l’économie mondiale une poursuite de la crise liée à la tuberculose, les décès imputables à la maladie coûteraient, selon les estimations, près de 1000 milliards de dollars US au cours des 15 prochaines années, la région d’Asie du Sud-Est essuyant les pertes les plus lourdes.

La tuberculose fait également peser une menace sur la sécurité sanitaire mondiale, puisqu’elle est la principale cause de décès due à la résistance aux antimicrobiens, la forme pharmacorésistante de la maladie comptant pour près d’un tiers du total. Si nous voulons faire face à la menace grandissante que représente la résistance aux antimicrobiens, nous devons en priorité nous attaquer au problème de la tuberculose. Dans notre monde où tout est connecté, la tuberculose pharmacorésistante présente un risque potentiellement catastrophique pour la sécurité sanitaire mondiale. Les parties prenantes de la santé mondiale doivent mieux faire valoir l’argument économique et sécuritaire, de sorte que lorsqu’un ministre des finances prend des décisions budgétaires, il ou elle le fait en connaissant ces priorités et ces compromis.

Depuis un certain temps, les militants de la lutte contre la tuberculose se plaignent, à juste titre, que la maladie ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite, alors même qu’elle tue plus de personnes que d’autres maladies infectieuses qui font régulièrement les gros titres.

La Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la tuberculose offre une occasion historique de faire en sorte que la maladie figure à l’ordre du jour des chefs d’État et de gouvernement et de veiller à ce que l’engagement vienne de différents secteurs de la société et que nous accélérions nos efforts en vue de mettre la communauté internationale sur la voie d’une éradication de la tuberculose. Nous devrions commencer par rompre avec l’immobilisme et avancer vers une norme exhaustive de prise en charge de la tuberculose. Il nous faut également rechercher de nouvelles sources de financement, rendre plus efficaces l’identification des cas, le diagnostic et le traitement, placer les personnes infectées par la maladie au cœur de la riposte, aider les pays à progresser vers de systèmes de santé universels, renforcer la recherche en matière de tuberculose et veiller à la protection des droits humains et de l’équité.

Comme l’a récemment indiqué le Premier ministre indien : « Nous ne pouvons tolérer de telles tragédies humaines causées par une maladie que l’on peut traiter et pour laquelle le système de santé publique propose des médicaments et des diagnostics ». Nous devons profiter de cette occasion pour obtenir des résultats, car il se pourrait qu’elle ne se représente pas dans un avenir prévisible.