La solidité de notre sécurité sanitaire mondiale ne vaut que par son maillon le plus faible

12 juin 2019 par Roslyn Morauta

Investir dans la santé est un des meilleurs moyens de construire un avenir plus radieux. Les sociétés en bonne santé sont plus stables et plus équitables, et leur économie est plus solide et plus productive. Aujourd’hui, dans un monde de plus en plus interconnecté, améliorer la santé publique relève du bien commun général. Parce que les microbes ne s’arrêtent pas aux frontières, la menace d’une maladie infectieuse n’importe où dans le monde peut devenir une menace partout. Personne n’est en sécurité tant que nous ne sommes pas tous en sécurité.

Prenez l’exemple de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où j’ai vécu et travaillé pendant de nombreuses années. Depuis le début du siècle, des progrès considérables ont été réalisés dans la lutte contre le VIH et le paludisme. Les investissements des donateurs internationaux et les partenariats avec des organisations confessionnelles et d’autres groupes de la société civile ont réduit le nombre de cas de paludisme et les décès qui y sont liés grâce aux campagnes nationales de distribution de moustiquaires. Le pays a également connu des avancées majeures dans la lutte contre le VIH en rendant des traitements vitaux accessibles à des milliers de personnes séropositives. Les résultats sont impressionnants lorsqu’ils sont remis dans le contexte de la Papouasie-Nouvelle-Guinée : un pays qui possède plus de huit cents langues et cultures, des taux élevés d’analphabétisme, très peu de routes et des communautés rurales isolées.

Cependant, les huit millions et demi d’habitants de Papouasie-Nouvelle-Guinée restent confrontés à de très graves difficultés en matière de développement et de santé publique. Notre pays affiche la charge de paludisme la plus élevée au monde après l’Afrique et toute notre population est exposée à l’épidémie, les plus touchés étant les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans. Nous affichons également le nombre le plus élevé de nouveaux cas de tuberculose dans la région des îles du Pacifique – environ 30 000 nouveaux cas chaque année, l’épidémie étant à présent la première cause de mortalité en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les taux de tuberculose pharmacorésistante, une forme plus agressive qui ne réagit pas aux médicaments actuels, sont alarmants, ce qui limite les options de traitement et fait augmenter les taux de mortalité pour des maladies dont on devrait normalement pouvoir guérir – tuberculose incluse.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée n’étant qu’à quatre kilomètres de mon Australie natale au point le plus proche, l’incapacité à lutter contre la tuberculose ou l’apparition d’un foyer de maladie infectieuse sont autant de menaces pour la sécurité sanitaire et économique australienne. La tuberculose est extrêmement contagieuse et se transmet par voie aérienne. Ainsi, une violente épidémie de tuberculose pourrait facilement déstabiliser la région Asie/Pacifique. Un seul maillon faible et tout le monde peut être touché.

Ces difficultés sanitaires ne sont pas propres à notre région. Au niveau mondial, dix millions de personnes ont contracté la tuberculose en 2017, ce qui en fait la maladie infectieuse la plus mortelle au monde. La tuberculose pharmacorésistante est un élément d’un problème mondial grandissant qui entraîne un risque potentiellement catastrophique pour la sécurité sanitaire mondiale. En 2017, on a recensé environ 558 000 cas de tuberculose pharmacorésistante.

Responsables de décès et de souffrances tragiques, les maladies infectieuses peuvent également nuire à la croissance économique. L’Economist Intelligence Unit estimait récemment que la tuberculose pharmacorésistante coûterait environ 17 000 milliards de dollars US à l’économie mondiale d’ici 2050 si nous ne nous attaquons pas au problème.

Régler ces difficultés sanitaires régionales et mondiales passe obligatoirement par un partenariat. Après des années d’avancées remarquables dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, de nouvelles menaces ont fait dévier le monde de la trajectoire menant à la cible des Objectifs de développement durable d’en finir avec les épidémies d’ici 2030. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a joué un rôle vital pour la santé mondiale en soutenant des programmes visant à sauver des millions de vies et en investissant 366 millions de dollars US dans les 14 pays insulaires de la région du Pacifique. Il a aussi soutenu les efforts importants d’investissements bilatéraux déployés par l’Australie pour mettre en place des systèmes résistants et pérennes pour la santé.

Le modèle du Fonds mondial insiste sur l’obligation de rendre des comptes et sur une responsabilité partagée et il aide les pays sur la voie de l’autonomie en encourageant les investissements nationaux dans la santé. J’ai pu constater directement la transformation qui s’est opérée en Papouasie-Nouvelle-Guinée à la suite des investissements du partenariat du Fonds mondial. Cependant, nous devons continuer à travailler dur, car le système de santé de la Papouasie-Nouvelle-Guinée est très faible. Nous devons également continuer à investir et à collaborer avec nos partenaires pour régler le grave problème de violence fondée sur le genre et promouvoir l’égalité de genre.

Dans quelques mois à peine, le Fonds mondial tiendra sa prochaine conférence de reconstitution des ressources en ayant comme objectif de recueillir au moins 14 milliards de dollars US pour les trois prochaines années. Il demande à l’ensemble de la communauté internationale d’accélérer le mouvement pour maintenir les avancées qui ont été réalisées grâce au partenariat, à l’innovation et à des interventions efficaces, et de mettre un terme aux trois maladies d’ici 2030. L’Australie est un partenaire de longue date du Fonds mondial et a investi massivement pour lutter contre les maladies et pour aider les pays dans la région Indo-Pacifique à se préparer aux nouvelles menaces qui pèsent sur la santé. La semaine prochaine, Sydney accueillera la Première conférence internationale sur la sécurité sanitaire mondiale qui offrira une excellente occasion de souligner combien nous en avons tous besoin et de partager les responsabilités. La solidité de notre sécurité sanitaire mondiale ne vaut que par son maillon le plus faible.

Lady Roslyn Morauta est la Vice-présidente du Conseil d’administration du Fonds mondial

Cet article a été publié pour la première fois dans The Mandarin