« La pandémie n’a épargné personne » : la pénurie d’oxygène de l’Inde en première ligne

26 mai 2021

En Inde, c’est une deuxième vague de COVID-19 soudaine et intense qui a pris tout le monde par surprise. « Personne n’était préparé à ce que la situation évolue aussi rapidement, a expliqué la Dre Bornali Datta au téléphone. Cette fois, la pandémie n’a épargné personne. Ça n’arrivait plus seulement aux autres. Elle a frappé toutes les familles. Tout le monde a été touché. »

Dre Bornali Datta

La Dre Bornali Datta est directrice du service de médecine respiratoire à l’hôpital Medanta, qui compte parmi les hôpitaux privés les plus grands et les plus réputés en Inde. Nous lui avons parlé depuis Gurgaon, une ville de banlieue de la région de la capitale nationale Delhi.

La deuxième vague a fortement frappé le pays et s’est répandue à une vitesse désastreuse. Avec l’augmentation du nombre d’infections, la gravité de la deuxième vague est rapidement devenue évidente. « Les patients arrivaient à un stade très avancé de la maladie dans leurs poumons. Nous n’avions jamais vu ça dans les résultats des tomodensitomètres de la première vague. » Au son de sa voix, on entend à quel point la Dre Datta tient à ses patients, en parlant de cette situation douloureuse. « Je ne pourrais vous dire à quel point c’était bouleversant en tant que clinicienne, vous savez… Des trentenaires, des quarantenaires, de jeunes gens en bonne santé, des familles à peine fondées… » Le COVID-19 n’a épargné personne.

Alors que la deuxième vague de COVID-19 déferlait, les lits d’hôpitaux se remplissaient et les patients devaient être refusés. Les organisations non gouvernementales ont installé des lits dans de grandes salles, en essayant désespérément d’aider les personnes qui en avaient besoin. Le problème le plus pressant était une grave pénurie d’oxygène, causant la cohue non seulement dans les hôpitaux, mais également dans les rues, avec les prix de l’oxygène qui montaient en flèche sur le marché noir. Cela mettait les gens dans des situations épouvantables, alors qu’ils essayaient de sauver leurs proches.

Medanta - The Medicity

Tous les établissements de santé ont été touchés, des plus petits centres de soin aux plus grands hôpitaux privés. Avec un plus grand nombre de patients présentant des symptômes plus graves que lors de la première vague de COVID-19, les ressources en oxygène ont été réduites bien plus rapidement. « En tant que clinicienne, en tant que pneumologue, l’oxygène est un élément essentiel du traitement que nous administrons. Et je crois que de ma vie entière, je n’ai jamais, jamais été confrontée à une situation où la pénurie d’oxygène a été un problème, même si, bien sûr, nous n’avions jamais traversé une pandémie pareille auparavant. » Si l’oxygène venait à manquer, Dre Datta savait qu’il ne serait pas possible de soigner les patients.

Heureusement, le pire a été évité et, malgré le manque d’oxygène, le personnel ne s’est jamais retrouvé complètement à court. Les concentrateurs d’oxygène, qui permettent d’extraire l’oxygène de l’air ambiant et fournissent une solution d’oxygène à faible débit, se sont révélés être une source en oxygène complémentaire importante pour la Dre Datta et ses collègues, aux côtés des bouteilles et de l’approvisionnement en oxygène par tuyauterie.

Néanmoins, la deuxième vague a profondément touché les agents de santé. « Nous travaillions sept jours sur sept. Je crois qu’aucun d’entre nous ne dormait parce que notre téléphone restait allumé. Nous recevions des appels de l’hôpital, et ce, peu importe si nous pouvions intervenir ou non. C’était une période très, très difficile pour tout le personnel soignant, tous nos infirmiers et tous nos médecins », a commenté la Dre Datta. Elle a expliqué que c’était de l’adrénaline pure qui les avait portés tout au long de ces périodes intenses, mais elle a également souligné le fait que ce n’était pas seulement la fatigue physique occasionnée par le travail qui pesait sur elle et sur ses collègues. « Durant cette période, ce sont les décès qui nous ont le plus touchés. Tellement de jeunes personnes, pour qui la maladie était trop grave, n’ont pas pu être sauvées, et ça nous a vraiment hantés. » Elle s’arrête, pour y repenser. « En tant que membre de cette population, en tant que personne, vous pouvez voir la souffrance par laquelle chacun est passé. Cette fois, on dirait que tout le monde a perdu quelqu’un, tout le monde a été touché par la pandémie. Tout le monde en a vraiment souffert. »

Bien que la Dre Datta soit grandement rassurée par l’élan de solidarité au sein des communautés en Inde et à travers le monde, avec des personnes qui envoient de l’argent ou des concentrateurs d’oxygène, elle est convaincue de la nécessité d’être préparés pour la prochaine vague. « Nous ne devons pas baisser notre garde. »

Renforcer les installations de production d’oxygène et en construire davantage sera un aspect essentiel de la préparation et de la riposte aux pandémies, pas seulement en Inde, mais dans le monde entier. Le Fonds mondial a approuvé 75 millions de dollars US de financement accéléré pour soutenir la riposte de l’Inde à la crise de COVID-19. Le nouveau financement s’ajoute à une aide financière de 36,8 millions de dollars US accordée à l’Inde en 2020 par le biais du dispositif de riposte au COVID-19 du Fonds mondial. Cette aide financière était destinée à l’atténuation des impacts de la pandémie sur les programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, à l’achat d’équipement de protection individuelle (ÉPI) pour les travailleurs de première ligne de la santé, à l’achat de matériel de dépistage et au renforcement des systèmes de santé, en particulier les capacités des laboratoires et les réseaux de santé communautaire.

Ce nouveau financement appuiera l’approvisionnement de l’Inde en concentrateurs d’oxygène et en installations de production d’oxygène à adsorption par inversion de pression pour aider à répondre aux besoins en oxygène médical sur le moyen terme et à se préparer aux prochaines vagues de COVID-19. Ce financement permettra de renforcer les systèmes de santé, afin de mieux se préparer aux pandémies existantes et à celles à venir, notamment au moyen de traitements avec l’oxygène médical, mais aussi de tests de diagnostic et d’équipements de protection individuelle. Comme l’affirme la Dre Datta, « notre seul et unique mantra est de continuer à être préparés. »