Les vaccins seuls ne seront pas suffisants pour vaincre les variants

14 septembre 2021 par Peter Sands, Directeur Exécutif

Le variant Delta déferle sur les populations vaccinées autant que non vaccinées, augmentant le risque de nouvelles mutations et exposant de nombreux patients au « COVID long ». La protection, les tests et les traitements font partie intégrante de la solution.

Il est essentiel d’accélérer le déploiement des vaccins pour vaincre le COVID-19. Cependant, la vague du variant Delta, même dans les pays présentant des niveaux élevés de couverture vaccinale, nous dit clairement une chose : les vaccins seuls ne vaincront pas le COVID-19. Pour vaincre ce virus, il faut une riposte globale, combinant la vaccination avec des mesures de santé publique continues et le meilleur traitement qu’il nous soit possible de fournir.

Même dans les pays présentant les niveaux les plus élevés de couverture vaccinale, comme Israël, avec 63 % de la population complètement vaccinée, ou le Royaume-Uni, avec 65 %, la vague du variant Delta a déferlé. Grâce à la protection vaccinale, les nouvelles infections émergentes n’ont pas entraîné la même croissance de la maladie, autant d’hospitalisations et autant de décès, mais les gens continuent de mourir. Le « COVID long » est une tragédie pour de nombreuses personnes, et le taux élevé d’infection ne fait qu’accroître le risque d’autres mutations à venir. Avec le temps, l’affaiblissement de l’immunité que procure la vaccination ne fait que renforcer davantage ce risque.

Dans les pays présentant des taux de couverture vaccinale bien plus bas – c’est-à-dire tous les pays en développement – le variant Delta a un impact dévastateur. Les statistiques de nombreux pays révèlent des augmentations spectaculaires du nombre d’infections et de décès. Les chiffres réels sont encore pires : le nombre d’infections et de décès imputables au COVID-19 dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire est un multiple de ce qui est officiellement enregistré.

Et il ne s’agit que de l’impact direct du virus. L’impact indirect sur les autres maladies grandit à mesure que les systèmes de santé se retrouvent submergés et les ressources réaffectées. Par exemple, en 2020, on a pu noter une différence de près d’un million de personnes qui n’ont pas été traitées pour la tuberculose, par rapport à 2019. Cette différence seule représente des centaines de milliers de morts, et il est fort probable que 2021 soit pire.

Adopter des mesures rapides pour stopper l’impact catastrophique du variant Delta dans les pays en développement est un devoir moral. Même d’un point de vue purement personnel, il s’agit d’un devoir impérieux, peu importe le pays où vous résidez, et même si vous êtes complètement vacciné. Le taux de mutation du virus est fondamentalement influencé par la prévalence mondiale : un plus grand nombre d’infections signifie donc un plus grand nombre de mutations potentiellement dangereuses.

Il y a pire encore. Laisser le COVID-19 faire des ravages parmi les populations avec un nombre très bas de personnes vaccinées, bien souvent partiellement, constitue la recette parfaite pour l’émergence de variants qui réduiront davantage l’efficacité du vaccin. Comme l’a déclaré un scientifique éminent : « Nous ne laissons pas seulement le COVID-19 faire des millions de morts, mais nous lui offrons l’environnement parfait pour qu’il déjoue toutes les protections que nous avons mises en place – ce qui nous met tous en danger. »

Même les programmes les plus ambitieux de déploiement de vaccins dans les pays à revenu faible et intermédiaire ne suffiront pas pour stopper le variant Delta. De ce fait, pour limiter ce désastre, nous devons combiner le déploiement le plus rapide possible de vaccins tout en appuyant davantage les autres moyens de limiter la transmission et le nombre de décès. Le retour aux confinements ne semble pas être une option. Dans ces communautés, trop nombreuses sont les personnes qui doivent travailler pour se nourrir et qui n’ont plus d’économies depuis longtemps. Nous devons donc fournir aux communautés les outils dont elles ont besoin pour se protéger elles-mêmes.

Autrement dit, des tests de dépistage rapide. Comme s’en est rendu compte le Royaume-Uni, si on donne aux gens un libre accès à ces tests faciles d’utilisation qui donnent un résultat presque instantané, ils les utiliseront pour se protéger, et pour protéger leurs familles et leurs communautés. Cependant, dans de nombreuses régions d’Afrique, cela n’est pas une option. Effectuer un test signifie faire un long trajet jusqu’à un hôpital, qui s’ensuit de plusieurs jours d’attente pour obtenir un résultat. Du point de vue de la réduction de la transmission, c’est inutile.

Grâce à notre expérience de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, nous savons qu’en permettant aux communautés – même les plus pauvres et les plus marginalisées ‒ d’avoir accès aux outils et aux informations, elles s’en serviront pour se protéger. Nous devrions donc submerger ces communautés de tests abordables, de haute qualité et faciles d’utilisation. Armées de ces tests, les communautés peuvent identifier les cas et les cas contacts elles-mêmes ; placer les personnes testées positives en quarantaine et les surveiller pour qu’elles reçoivent le traitement dont elles ont besoin rapidement ; isoler et soutenir les cas contacts jusqu’à obtenir la certitude qu’ils ne sont pas infectés ; et minimiser l’exposition des personnes les plus vulnérables, y compris les personnes très âgées ou immunodéprimées. Ces mesures appliquées seules n’arrêteront pas le variant Delta, mais elles ralentiront sa progression.

Nous devrions également intensifier la mise à disposition d’équipements de protection individuelle de haute qualité, en particulier pour les agents de santé. Même lorsqu’ils sont complètement vaccinés, les agents de santé courent plus de risques d’être infectés, étant très souvent exposés. Lorsqu’ils ne sont pas vaccinés, ils sont extrêmement vulnérables. Comme nous l’avons vu au Royaume-Uni, lorsque des agents de santé tombent malades en trop grand nombre ou doivent être placés en quarantaine, les hôpitaux et les établissements de santé ne sont plus performants et le taux de mortalité grimpe en flèche, et ce, pas seulement en raison du COVID-19. Les pays à revenu faible et intermédiaire ont, au départ, un nombre déjà bien trop restreint d’agents de santé. Ils ne peuvent donc pas se permettre de perdre leurs effectifs.

Pour réduire davantage le nombre effroyable de décès, nous devons aider ces pays à améliorer les soins cliniques pour les personnes qui tombent gravement malades, notamment en élargissant l’accès à l’oxygène, à la dexaméthasone et aux autres traitements éprouvés.

Ce n’est pas un sujet dont nous devrions débattre. Il faut agir dès maintenant – pour sauver des millions de vies, et, à terme, nous protéger. Le Fonds mondial a été le principal organisme de financement appuyant les pays à revenu faible et intermédiaire pour tout, hormis les vaccins – principalement gérés par le COVAX. Ce mois-ci, les ressources financières du Fonds mondial destinées à cet effet seront cependant complètement épuisées. Les pays à revenu faible et intermédiaire doivent immédiatement intensifier le dépistage, le traitement et la protection des agents de santé, et ils seront contraints de faire tout le contraire.

Les vaccins sont notre meilleure arme contre le COVID-19. Mais le variant Delta nous a prouvé que la vaccination n’est pas un remède miracle – et plus nous la considérons ainsi, moins elle le sera. Vaincre le COVID-19 nécessitera une riposte soutenue et intégrale, qui combinera les vaccins, les tests, les traitements et les équipements de protection individuelle. Nous ne pouvons relâcher nos efforts sur aucun front.

Initialement publié par Tortoise Media, le 13 septembre 2021.