Le COVID-19 frappe lourdement les programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Poursuivons la riposte

17 septembre 2021 par Peter Sands, Directeur Exécutif

L’impact du COVID-19 sur le VIH, la tuberculose et le paludisme est désastreux. Au cours des deux dernières décennies, notre parcours a été semé d’embûches, mais nous sommes toujours allés de l’avant. Jusqu’à aujourd’hui.

La pandémie de COVID-19 nous a considérablement fait dévier de notre trajectoire. Concernant la lutte contre la tuberculose, la nouvelle pandémie a été dévastatrice. En 2020, le nombre de personnes traitées pour la tuberculose pharmacorésistante dans les pays où le Fonds mondial investit a chuté de 19 % et le nombre de personnes sous traitement pour la tuberculose ultrarésistante a diminué de 37 %. Il s’agit là d’une différence de près d’un million de personnes qui n’ont pas été traitées pour la tuberculose en 2020, par rapport à 2019.

Pour le VIH, les répercussions ont elles aussi été importantes. Même s’il est encourageant de voir que le nombre de personnes séropositives recevant un traitement antirétroviral continue d’augmenter, les baisses constatées dans les services de prévention et de dépistage en 2020 sont alarmantes. Le nombre de personnes ayant accès aux services et aux programmes de prévention du VIH a chuté de 11 %, alors que le nombre de tests de dépistage du VIH réalisés a diminué de 22 % par rapport à 2019. En raison des perturbations causées par le COVID-19, les personnes les plus exposées au risque d’infection ont eu un accès réduit aux informations et aux outils dont elles ont besoin pour se protéger.

Jusqu’ici, les interventions pour lutter contre le paludisme semblent avoir été moins perturbées par le COVID-19 que les deux autres maladies. Outre le dépistage des cas suspects de paludisme, qui a chuté de 4 % par rapport à 2019, l’adaptation rapide des services de lutte contre le paludisme semble avoir limité les dégâts. Cependant, les progrès ont stagné.

Tous ces chiffres confirment clairement ce que nous redoutions lorsque le COVID-19 a fait son apparition. Dans de nombreux pays, la pandémie a submergé les systèmes de santé, les confinements ont interrompu les prestations de services et les ressources essentielles ont été détournées de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme pour combattre le nouveau virus. La pandémie a eu un impact plus important encore sur les personnes généralement les plus touchées par les maladies : les personnes pauvres, marginalisées, celles qui n’ont pas accès aux soins de santé. Beaucoup ont préféré éviter les centres de santé, de peur de contracter le COVID-19 ou d’être stigmatisés lorsqu’ils présentaient des symptômes similaires à ceux du COVID-19, comme la toux ou la fièvre, qui peuvent également être des symptômes du paludisme ou de la tuberculose.

Cependant, les choses auraient été pires encore sans les mesures rapides et décisives qui ont été mises en place à travers le partenariat du Fonds mondial pour atténuer l’impact du COVID-19 sur les trois maladies. Deux décennies d’expérience dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ont permis à de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire de riposter rapidement au COVID-19, en ayant recours aux laboratoires, aux systèmes de surveillance de la maladie, aux réseaux communautaires, aux agents de santé formés et aux chaînes d’approvisionnement qui avaient été mis en place avec le soutien du Fonds mondial pour lutter contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. À la fin de l’année 2020, nous avions investi près d’un milliard de dollars pour soutenir plus de 100 pays dans leur lutte contre le COVID-19 et atténuer son impact sur le VIH, la tuberculose et le paludisme. Pour sauver des vies des conséquences directes et indirectes du COVID -19, nous avons travaillé sans relâche avec nos partenaires, notamment par le biais de l’Accélérateur d’accès aux outils contre le COVID-19 (Accélérateur ACT).

Ces efforts ont permis d’éviter des conséquences encore plus désastreuses sur la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Cependant, les contretemps subis signifient que les infections et les décès augmenteront inévitablement, inversant la trajectoire positive que nous avions réussi à suivre pendant de nombreuses années. Plus inquiétant encore, l’apparition du variant Delta en 2021, hautement transmissible, provoque des ravages dans de nombreux pays, submergeant une nouvelle fois les systèmes de santé et perturbant les programmes de lutte contre les autres maladies.

C’est pour toutes ces raisons que nous avons augmenté nos investissements dans la lutte contre le COVID-19. Au total, le Fonds mondial avait, à la fin du mois d’août, décaissé, 3,3 milliards de dollars pour appuyer plus de 100 pays dans leur riposte à la pandémie, en fournissant des tests, des fournitures médicales et des traitements essentiels, en protégeant les agents de santé de première ligne, en adaptant les programmes vitaux de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme et en renforçant les systèmes de santé fragiles.

Mais nous devons en faire davantage. Le nombre de décès directement imputables à la pandémie de COVID-19 ou à ses répercussions est déjà effrayant, et plus cela durera, plus les séquelles pour la santé, l’économie et la société seront profondes.

Il y a vingt ans, le Fonds mondial était créé pour intensifier la lutte contre les trois maladies infectieuses les plus meurtrières du moment. En travaillant en partenariat, nous avons prouvé qu’elles pouvaient être repoussées. En vingt ans, nous avons sauvé 44 millions de vies.

Aujourd’hui, nous devons encore intensifier nos efforts pour endiguer la nouvelle pandémie, réaligner notre trajectoire dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, et construire des systèmes résistants et pérennes pour la santé qui peuvent tous nous protéger, partout, des agents pathogènes de demain. Si nous tirons parti de la volonté politique, si nous engageons plus de ressources et si nous continuons à innover et à collaborer, nous pouvons inverser le cours de ce virus, comme nous l’avons fait pour le VIH, la tuberculose et le paludisme, et à terme, le vaincre. Nous devons saisir cette occasion pour faire en sorte d’être tous plus en sécurité face aux maladies infectieuses les plus mortelles, qu’il s’agisse du COVID-19, du VIH, de la tuberculose ou du paludisme, ou des pandémies à venir. Ne nous contentons pas de vaincre cette pandémie. Saisissons cette occasion pour édifier un monde plus équitable et en meilleure santé.

Cette tribune est d’abord parue dans Jeune Afrique le 13 Septembre 2021.