La meilleure façon de se préparer à la prochaine pandémie n’est pas celle que vous croyez

01 décembre 2022 par Peter Sands et Winnie Byanyima

La lutte contre le VIH a besoin d’un nouveau souffle. Comme nous le craignions à l’apparition des premiers cas de COVID-19, la pandémie a eu des effets dévastateurs sur les progrès réalisés dans la lutte contre le VIH et le sida. Mais déjà avant le COVID-19, nous n’atteignions pas nos objectifs de réduction des nouvelles infections et des décès dus au VIH. Aujourd’hui, nous avons largement dévié de notre trajectoire.

Les iniquités marquées, à la fois au sein des pays et entre les pays, continuent d’alimenter le VIH et le sida. Les atteintes persistantes aux droits humains et les inégalités de genre ancrées nous empêchent de progresser vers l’objectif de mettre fin au virus en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030. La plus grande partie des 1,5 million de nouvelles infections en 2021 a touché les personnes les plus marginalisées et les plus vulnérables. Bien que le nombre de personnes sous traitement antirétroviral vital en 2021 – 28,7 millions – soit un record, il est déroutant de constater que près de 10 millions de personnes dans le monde vivent encore avec le VIH sans être traitées.

À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, nous devons renouveler notre engagement d’étendre la riposte au VIH à toutes les personnes à risque, en particulier aux communautés les plus défavorisées. Par exemple, à peine la moitié des enfants vivant avec le VIH reçoivent le traitement dont ils ont besoin pour rester en vie C’est inacceptable, mais il est également inacceptable que des milliers d’enfants continuent de naître avec le VIH, alors que nous savons comment éviter cela.

L’impact du VIH sur les adolescentes et les jeunes femmes est tout aussi injuste. Toutes les deux minutes, une jeune femme contracte le VIH. Quatre décennies après l’émergence du VIH, le sida demeure la principale cause de décès chez les femmes en âge de procréer – il s’agit d’un indicateur profondément perturbant qui illustre bien l’iniquité de genre en matière de santé mondiale.

Nous disposons des outils nécessaires pour offrir des services de prévention et de traitement efficaces à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Pourtant, bien trop de personnes se voient refuser l’accès aux services ou ne reçoivent pas des services optimaux. Pensez aux nombreux enfants qui reçoivent bien un traitement antirétroviral, mais qui prennent des médicaments datés, moins efficaces et engendrant plus d’effets secondaires. Combinez cela à un soutien fragile pour bien observer le traitement ; vous obtenez une suppression de la charge virale moins efficace. Tout en étendant la couverture du traitement, nous devons agir plus rapidement pour faire passer les enfants aux derniers schémas thérapeutiques de médicaments antirétroviraux, à base de dolutégravir. Cette formulation médicamenteuse est plus efficace, moins chère et mieux tolérée par les enfants.

En plus de veiller à ce que toutes les personnes à risque aient accès aux meilleurs outils et approches en matière de santé, nous devons être encore plus déterminés à lutter contre les obstacles aux droits humains, les inégalités de genre et les autres inégalités qui exacerbent la vulnérabilité des personnes face au VIH.

C’est en raison de cette dimension cruciale de droits et d’égalité que la lutte contre le VIH et le sida a toujours été plus qu’un simple effort pour vaincre un virus donné. Puisque les inégalités stimulent le VIH, vaincre cette maladie implique de bâtir un monde meilleur et plus inclusif.

En ce sens, la lutte contre le VIH est une inspiration et une plateforme pour vaincre toutes les autres maladies infectieuses : celles auxquelles nous sommes confrontés en ce moment, y compris le COVID-19, et celles qui émergeront vraisemblablement à l’avenir. À mesure que la pandémie de COVID-19 évolue d’une situation d’urgence extrême à une lutte à plus long terme contre un redoutable agent pathogène, de nombreuses leçons peuvent être tirées de notre lutte de quatre décennies contre le VIH, notamment le fait que des pandémies comme celle-ci continuent généralement de causer la mort et des perturbations dans les communautés les plus pauvres de nombreuses années après que la menace perçue a diminué dans les communautés les plus riches.

Ne pas parvenir à aller jusqu’au bout de ces luttes coûte déjà des millions de vies, mais cela contribue également au cycle de panique et de négligence qui a caractérisé à plusieurs reprises notre approche de la préparation aux pandémies. Pendant qu’une pandémie fait rage, la prévention de la prochaine suscite l’urgence politique. Mais dès que la menace immédiate s’estompe, l’élan pour investir dans une meilleure préparation se perd rapidement.

La solution consiste à combiner la tâche d’en finir avec la lutte contre les pandémies existantes avec celle de se préparer à la prochaine. Investir dans la science de la lutte contre les agents pathogènes aide à combattre les agents pathogènes existants et potentiels, en particulier parce que la plupart des nouvelles menaces de maladies infectieuses ne sont pas entièrement nouvelles, mais puisent leurs origines dans des maladies existantes. Le COVID-19, par exemple, avait été annoncé par le SRAS et le MERS.

En adoptant une telle approche, nous pouvons protéger tout le monde contre les maladies infectieuses les plus mortelles – celles qui tuent actuellement, comme le VIH, la tuberculose, le paludisme et le COVID-19 – et celles qui vont inévitablement émerger.

Dans un monde où les conflits et le changement climatique exacerbent les menaces de maladies infectieuses, nous ne pouvons pas ralentir la cadence. Nous devons redoubler d’efforts pour vaincre les maladies infectieuses les plus mortelles, bâtir des systèmes de santé résistants et pérennes et ne laisser personne de côté.

C’est ainsi que nous réaliserons le rêve d’une couverture de santé véritablement universelle et que nous tiendrons la promesse des Objectifs de développement durable. La lutte contre le VIH et le sida est au cœur de cet effort.

Cette tribune est d’abord parue dans Le Monde.