Ils sont mal-aimés, mais ils sauvent des vies – nous devons valoriser les équipements de protection individuelle

04 octobre 2021 par Jeremy Farrar et Peter Sands

Le masque de protection est sans aucun doute l’objet le plus symbolique de l’ère du COVID-19. Faisant désormais partie du décor et devenu indispensable dans la vie de tous les jours, cet outil simple et efficace est le héros discret de la riposte au COVID-19, jouant un rôle essentiel dans la protection des agents de santé et dans la réduction des risques de transmission du virus au sein des communautés.

Jusqu’ici, le monde a déboursé des milliards de dollars en équipements de protection individuelle (EPI), qui ont permis de sauver des millions de vies. Pourtant, personne ne les aime : l’obligation de porter le masque suscite des controverses politiques ; les EPI peuvent donner chaud et être inconfortables ; et nous préférons tous voir le visage des autres.

On mentionne généralement les EPI lorsqu’il s’agit de réduire la transmission au sein des communautés, mais leur rôle le plus vital est probablement de protéger les agents de santé. Exposés au virus de façon répétée lorsqu’ils soignent les autres, les agents de santé ont souffert de taux d’infection et de décès bien plus élevés que l’ensemble de la population. Certaines études suggèrent que les agents de santé sont dix fois plus susceptibles que la population générale d’être infectés par le COVID-19, et qu’ils courent sept fois plus de risques d’être touchés par une infection grave et potentiellement mortelle.

Outre l’impératif moral de protéger celles et ceux qui risquent leur vie pour nous prodiguer des soins, il existe un argument concret irréfutable : si les agents de santé sont infectés, les établissements de santé deviennent des lieux de très grande propagation. Dans les premières phases de la pandémie, près de la moitié des personnes infectées par le COVID-19 l’étaient dans un établissement de santé. De plus, si une proportion importante du personnel médical devient infectée, les normes de soins diminuent et la mortalité augmente. On ne peut tout simplement pas faire fonctionner un hôpital correctement si un quart ou plus du personnel est en arrêt maladie ou en isolement. Le variant Delta provoque de nouvelles vagues d’infection dévastatrices aux quatre coins du monde. Il est donc vital de ne pas oublier le rôle primordial des EPI dans la protection des agents de santé, même lorsque ces derniers sont complètement vaccinés.

Qu’ils protègent les agents de santé ou réduisent la transmission communautaire, qu’ils permettent aux personnes d’aller travailler ou aux écoles de rouvrir, les EPI, les mesures d’hygiène et une bonne ventilation continuent de jouer un rôle crucial dans notre riposte à la pandémie.

Pourtant, la chaîne de valeur ou l’écosystème des EPI présente de nombreuses faiblesses. Les innovations réelles ont été peu nombreuses. La plupart des pays ont connu des pénuries sévères et des problèmes de qualité. Des cas de gonflement des prix et de corruption dans l’approvisionnement ont été relevés. Le déploiement des EPI n’a pas été équitable, ni suffisant. Enfin, la mise au rebut des EPI, lorsqu’elle ne respecte pas les règles de sécurité, engendre à la fois des dangers environnementaux et sanitaires.

Ces problèmes sous-jacents reflètent un manque d’attention et d’appréciation du rôle vital que jouent les EPI. Bien que les États et les agences disposent de solides groupes de travail sur les vaccins, l’oxygène et les autres composantes de la riposte au COVID-19, très peu ont déployé des efforts ou des ressources notables pour la réflexion autour des EPI. Que ce soit au niveau du G7 ou du G20, ou au niveau des États, les EPI sont très rarement pris en considération.

À l’heure actuelle, la priorité immédiate est d’aider les pays à protéger leurs agents de santé, alors que le variant Delta génère de nouvelles vagues d’infection. Une étude récente sur les établissements de santé en Afrique a révélé que 60 % à 80 % d’entre eux ne disposaient pas d’EPI en nombre suffisant pour leurs agents de santé. Afin que les systèmes de santé ne soient pas submergés et que le nombre de décès n’augmente pas en conséquence, nous devons de toute urgence mettre à l’échelle la fourniture d’EPI pour ces pays.

Cependant, nous devons également régler les problèmes sous-jacents sur la manière dont les EPI sont élaborés, fabriqués, réglementés, fournis, utilisés et éliminés. C’est pourquoi, dans le cadre de l’Accélérateur d’accès aux outils contre le COVID-19 (Accélérateur ACT), nous avons lancé une initiative appelée « Repenser les EPI ».

Ensemble, avec un large éventail de partenaires engagés dans la riposte mondiale au COVID-19, nous venons de rédiger un rapport qui analyse les problèmes actuels et propose des solutions, en se concentrant tout particulièrement sur la protection des agents de santé. Transformer l’écosystème des EPI nécessitera cinq séries d’actions : dynamiser l’innovation autour des EPI ; améliorer les normes de qualité des EPI ; étendre et diversifier la capacité de fabrication régionale ; renforcer les pratiques d’approvisionnement ; et optimiser l’utilisation et la mise au rebut sécuritaire. Ces actions, si elles sont réalisées ensemble, influeraient véritablement sur notre capacité à protéger les agents de santé à travers le monde.

Même s’ils sont loin d’être glamour, les masques, les gants et les blouses sont des outils vitaux de la riposte au COVID-19. Ils sauvent des vies et nous protègent de la menace de futures maladies infectieuses. Ainsi, lorsque nous investissons et agissons en faveur des vaccins, des traitements et des tests, nous devons également investir et agir en faveur des EPI.

Sir Jeremy Farrar est le Directeur de Wellcome, une organisation caritative indépendante qui encourage et promeut la recherche dans le but d’améliorer le bien-être et la santé humaine et animale.

Peter Sands est le directeur exécutif du Fonds mondial.