Déclaration de Peter Sands sur le Rapport 2025 sur le paludisme dans le monde

Le 04 décembre 2025 par Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial

Le Rapport sur le paludisme dans le monde livre deux vérités : lorsqu’on investit, on sauve des vies – et quand on fléchit, le paludisme regagne du terrain. Le rapport de cette année, qui reflète les chiffres de 2024, révèle un enlisement des progrès globaux et met en évidence d’importants sujets de préoccupation, sans toutefois tirer la sonnette d’alarme. Cela serait pourtant nécessaire. Nous mettons en garde contre la stagnation depuis des années, mais il ne fait plus de doute que le nombre de cas est désormais reparti en hausse. Quand nous aurons accès aux chiffres de 2025, ils révéleront très certainement un nombre encore plus important de cas et de décès. Si nous n’agissons pas de toute urgence dès maintenant, la situation sera pire encore en 2026. Nous sommes confrontés à un risque réel de résurgence massive qui pourrait réduire à néant des décennies de progrès et submerger les systèmes de santé.

Nous savons comment vaincre le paludisme, les 21 pays qui ont éliminé la maladie depuis 2010 en sont la preuve. Pourtant, l’année dernière, le paludisme a encore tué plus de 600 000 personnes, dont une majorité de jeunes enfants africains. Quand un enfant meurt chaque minute d’une maladie indéniablement évitable, il ne s’agit pas seulement d’un échec sanitaire – c’est un échec politique, un échec financier et un échec moral.

Malgré les immenses avancées réalisées au cours des deux dernières décennies, les progrès s’enlisent, et certains pays connaissent même un recul important. La pharmacorésistance se propage à travers l’Afrique. Les conflits, les déplacements de populations et le changement climatique transforment les modes de transmission. Les systèmes de surveillance et les campagnes de distribution de moustiquaires subissent des perturbations. De fortes résurgences apparaissent dans plusieurs pays.

Mais le rapport montre aussi que, lorsque les pays prennent résolument les rênes et que nous investissons les ressources adéquates, comme dans la sous-région du Grand Mékong et dans un nombre croissant de pays où la maladie est en voie d’éradication, il est possible de faire reculer considérablement le paludisme. Ces succès prouvent que le leadership, l’investissement et l’action communautaire portent leurs fruits.

Cependant, dans les pays où la mortalité est la plus élevée, principalement en Afrique, nous devons accélérer le mouvement. Les leaders africains ont tracé la voie à suivre avec la Déclaration de Yaoundé. Nous possédons des outils efficaces – moustiquaires de nouvelle génération et autres interventions de lutte antivectorielle, nouveaux traitements et outils de diagnostic, vaccins – mais il nous faut les déployer bien plus rapidement et à plus grande échelle. Dans bon nombre des régions les plus touchées, nous n’investissons tout simplement pas assez. Le financement mondial n’atteint aujourd’hui que la moitié des montants nécessaires. L’investissement annuel total consacré à la lutte contre le paludisme en Afrique – moins de 4 milliards de dollars US – représente moins que le budget d’un seul grand hôpital dans un pays à revenu élevé.

Ce sous-investissement dans la lutte contre le paludisme a un coût très lourd en vies d’enfants, mais c’est également une perte d’argent. Là où le paludisme a été éliminé, une fraction des investissements précédents suffit pour empêcher la maladie de réapparaître. Dans les régions où il fait rage, les structures de santé sont débordées, les enfants manquent l’école et les travailleurs tombent malades. L’argument économique pour investir dans la lutte contre le paludisme est extrêmement convaincant.

Dans les pays riches, le paludisme peut souvent sembler un lointain problème. Il ne devrait pourtant pas nous laisser indifférents. Il y a seulement 50 ans, le paludisme représentait encore une menace dans le sud de l’Europe, et 25 ans auparavant, aux États-Unis. Avec le changement climatique, la résistance et l’émergence d’espèces de moustiques plus menaçantes, certaines maladies transmises par les moustiques comme la dengue, le chikungunya et le paludisme se propagent désormais dans de nouvelles régions.

Le choix est clair : soit nous agissons maintenant, soit nous serons confrontés à une crise qui aura un coût à la fois humain et financier. Si nous agissons avec résolution – pour financer la lutte, renforcer les systèmes de santé et autonomiser les communautés –, nous pouvons inverser ces tendances alarmantes et vaincre le paludisme. Mais nous ne devons pas nous contenter d’attendre le rapport de l’année prochaine, car nous en connaissons déjà en grande partie la teneur.