Adapter les programmes de lutte contre la tuberculose pour faire face aux défis du COVID-19 : les enseignements tirés des Philippines

05 octobre 2021

Dès le premier confinement dû au COVID-19 mis en place aux Philippines, l’année dernière, le Programme national de lutte contre la tuberculose du ministère de la Santé savait qu’il devait agir vite afin que les patients atteints de tuberculose continuent d’avoir accès à leurs traitements vitaux. Les programmes de lutte contre des maladies comme le VIH, la tuberculose et le paludisme ont brusquement été mis au défi de trouver des moyens de continuer à fournir des services de santé dans un pays où des mesures strictes de confinement et de restriction des transports avaient été mises en place.

« Lorsque nous avons été confinés, nous avons immédiatement été pris au dépourvu », a déclaré Arnyl Araneta, chef du programme pour la promotion d’une prise en charge centrée sur le patient et du projet pour le développement des services pérennes de lutte contre la tuberculose (« ACCESS TB »), un programme financé par le Fonds mondial et mis en œuvre par l’ONG Philippine Business for Social Progress (PBSP).

Le COVID-19 a eu un impact dévastateur sur la lutte contre la tuberculose à travers le monde. Aux Philippines, le Programme national de lutte contre la tuberculose a enregistré en 2020 une diminution de 49 % du dépistage de la tuberculose, une réduction de 37 % de la déclaration des cas de tuberculose et une réduction de 14 % de la déclaration des cas de tuberculose pharmacorésistante par rapport à 2019. Lorsque les taux de dépistage de la tuberculose chutent, les conséquences sont dévastatrices : moins les personnes sont détectées, dépistées et traitées, plus il y a de cas de tuberculose et de décès, et plus le risque que la tuberculose pharmacorésistante se propage à travers le monde est élevé. Selon l’OMS (en anglais), les Philippines sont le quatrième pays le plus touché par la tuberculose au monde.

Les Philippines ont rapidement riposté au COVID-19. Entre mars et mai 2020, le Programme national de lutte contre la tuberculose, l’OMS, le projet « ACCESS TB » de PBSP, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) et d’autres partenaires se sont rassemblés afin d’élaborer le Plan national d’adaptation de la lutte contre la tuberculose pour garantir la continuité de la prévention, du dépistage et du traitement de la tuberculose. De fait, les Philippines ont été parmi les premiers pays à élaborer un solide plan global d’adaptation de la lutte contre la tuberculose, qui a servi d’exemple pour d’autres pays.

Le COVID-19 a accéléré la mise en œuvre des changements et des innovations qui étaient déjà en discussion. « Étant donné la mobilité réduite de nos agents de santé et de nos patients atteints de tuberculose pendant le confinement, le Programme national de lutte contre la tuberculose a commencé à autoriser des patients à repartir chez eux avec l’équivalent d’un mois de traitement, a expliqué M. Araneta. Nos infirmiers et infirmières des centres de prise en charge de la tuberculose pharmacorésistante se rendent également une fois par mois au domicile des patients, pour voir comment ils vont et recueillir des échantillons d’expectoration pour les suivis au laboratoire. »

Copyright: PBSP ACCESS TB Project

La difficulté de la lutte contre la tuberculose réside en partie dans le fait qu’elle nécessite un traitement long et complexe. Il faut six mois de traitement à base de quatre antibiotiques pour traiter la tuberculose. Les formes de tuberculose pharmacorésistante nécessitent un schéma thérapeutique encore plus long, allant de 9 à 18 mois, qui comprend une administration journalière de médicaments provoquant des nausées. Les patients perdus de vue – c’est-à-dire les patients qui ne suivent pas leur traitement jusqu’au bout – ne sont pas complètement guéris, et peuvent développer une tuberculose pharmacorésistante et propager la tuberculose.

« Les patients perdus de vue sont un de nos principaux défis, a déclaré M. Araneta. Avant le COVID-19, les patients atteints de tuberculose pharmacorésistante devaient se rendre chaque jour dans un établissement de santé pour y prendre leurs médicaments. »

Le passage au traitement à domicile a eu un impact considérable. « Avant le COVID-19, 16 % de nos patients étaient perdus de vue avant la fin de leur traitement de six mois, mais en 2020, seulement 4 % ont été perdus de vue, a expliqué M. Araneta. Aujourd’hui, le paradigme a changé et le personnel médical a pris conscience qu’il était en effet possible pour les patients atteints de tuberculose pharmacorésistante de bénéficier d’un traitement à domicile, et que cela entraînait une amélioration significative de l’observance et des résultats du traitement chez les patients. »

D’autres éléments du projet « ACCESS TB » ont été mobilisés pour améliorer la prise en charge des patients atteints de tuberculose. En 2017, le Fonds mondial et PBSP ont lancé une initiative pour centrer davantage les services de santé sur le patient faisant appel à des transporteurs à moto (appelés « STRiders ») qui transportent les échantillons d’expectoration des centres de santé aux laboratoires, où ils sont testés grâce au dispositif de diagnostic GeneXpert. « Lorsque le COVID-19 est arrivé, on a élargi la mission de nos “STRiders”, a déclaré M. Araneta. Désormais, ils ne transportent plus seulement les échantillons, ils transportent aussi les médicaments de l’établissement de santé jusqu’au domicile des patients. » Mieux encore, leur mission couvre à la fois les programmes de lutte contre la tuberculose et le VIH.

Le Plan national d’adaptation de la lutte contre la tuberculose fonctionne ; il a aidé les établissements de santé prenant en charge la tuberculose à se maintenir à flot pour les autres vagues de COVID-19.

« À chaque fois qu’un nouveau confinement est mis en place, nous nous attendons toujours à une baisse du dépistage et de la déclaration des cas, mais la baisse actuelle est moins importante que celle de l’année dernière, explique M. Araneta. Cela signifie que les dispositifs que nous avons mis en place et les orientations que nous avons élaborées ont en effet aidé à atténuer l’impact de la pandémie. »

Le Fonds mondial collabore avec les Philippines pour étendre les activités d’atténuation présentées dans le Plan national d’adaptation de la lutte contre la tuberculose par l’intermédiaire du financement du dispositif de riposte au COVID-19 (C19RM). Une partie de ce financement aidera à intensifier les projets avec les partenaires, comme la mise en place d’outils numériques pour suivre l’observance du traitement, à la fois pour les patients atteints de tuberculose pharmacosensible et de tuberculose pharmacorésistante. Ces outils comprennent le recours au traitement observé par vidéo (VOT) et les piluliers numériques, qui rappellent aux patients de prendre leurs médicaments et qui envoient une notification aux agents de santé communautaires s’ils oublient. Ce projet prend place dans deux régions, et grâce au financement du C19RM, il sera étendu à six régions, couvrant 100 % des centres de prise en charge de la tuberculose pharmacorésistante.

Le financement du C19RM permettra également de soutenir le développement des stratégies de dépistage et des cliniques de santé itinérantes qui rendront visite aux patients à leur domicile, recueilleront les échantillons d’expectoration et dépisteront la tuberculose sur place. Ces cliniques itinérantes effectuent également un dépistage de la tuberculose massif à des endroits clés, comme les centres de dépistage du COVID-19 et de vaccination, pour atteindre le plus de personnes possible.

Le patient est toujours la préoccupation première de M. Araneta. « Dans la camionnette, il y aura des appareils de radiographie, des électrocardiographes et d’autres équipements nécessaires – en particulier pour les suivis de la tuberculose pharmacorésistante au laboratoire. Puisque les patients sont à leur domicile, nous trouvons des moyens de rendre les services de santé accessibles, à proximité de chez eux. »

Le Fonds mondial travaille en partenariat avec les Philippines depuis 2002 et a décaissé 548 647 023 dollars US pour la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme et le renforcement des systèmes résistants et pérennes pour la santé. En outre, par l’entremise de son dispositif de riposte au COVID-19, le Fonds mondial a fourni aux Philippines 1 508 392 dollars US en 2020 et 37 772 334 dollars US en 2021 pour sa lutte contre le COVID-19, l’adaptation de ses programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, et le renforcement des systèmes pour la santé. Pour en savoir plus sur la lutte des Philippines contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, vous pouvez consulter l’Explorateur de données (en anglais).