Une décennie de progrès : enrayer le paludisme pharmacorésistant en Asie du Sud-Est

Le 10 juin 2025

Puissant antipaludéen, l’artémisinine est un ingrédient essentiel des médicaments utilisés pour soigner rapidement le paludisme et sauver des millions de vies. Cependant, en Asie du Sud-Est, dans la région du Mékong, et plus précisément au Cambodge, en République démocratique populaire lao, au Myanmar, en Thaïlande et au Viet Nam, les parasites porteurs du paludisme ont évolué et résistent désormais à ce médicament vital.

Ce problème est apparu en 2007 avant de se propager, et le Mékong est désormais l’un des épicentres mondiaux du paludisme pharmacorésistant, une menace pour la région, mais aussi pour d’autres parties du monde. Le même phénomène s’était déjà produit – avec des conséquences dévastatrices – lorsque la résistance à d’autres antipaludéens, la chloroquine et la sulfadoxine pyriméthamine, s’était répandue en Asie et en Afrique.

C’est pourquoi le Fonds mondial a lancé en 2014 l’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine. Au cours des dix dernières années, l’initiative a eu un impact profond contre le paludisme résistant aux médicaments dans la région du Mékong et a permis de tirer des enseignements précieux pour la lutte mondiale contre la pharmacorésistance.

Une réduction des cas et des défenses plus solides

L’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine a réalisé des progrès considérables pour la protection des populations du monde entier contre la menace croissante de la pharmacorésistance.

Une chute drastique des cas mortels : les cas de paludisme dans la région du Grand Mékong ont été divisés par deux, passant de près de 500 000 cas en 2010 à environ 248 000 en 2023.

Photo : Le Fonds mondial/Quinn Ryan Mattingly

Quasi-élimination du paludisme à P. falciparum résistant dans quatre pays : les infections meurtrières dues au paludisme à P. falciparum, qui a développé une résistance aux médicaments vitaux contre la maladie, ont chuté à moins de 40 000 cas dans l’ensemble de la région. Une nette amélioration a été constatée au Cambodge, en République démocratique populaire lao, en Thaïlande et au Viet Nam : pour l’ensemble des quatre pays, seuls 735 cas ont été signalés en 2023, contre 55 657 au début de l’initiative, soit une chute de 98,6 %.

En plus de sauver des vies et de réduire le nombre de cas, l’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine a également renforcé les systèmes de santé à travers des antipaludéens de qualité et un diagnostic rapide et en assurant le traitement et la surveillance pour détecter et contrer la pharmacorésistance.

Le Myanmar a également remporté des succès significatifs dans la lutte contre le paludisme, mais les conflits récents ont contribué à une forte augmentation des cas, qui se sont parfois étendus à la Thaïlande voisine. Cette situation souligne l’importance d’adopter une approche régionale pour combattre la pharmacorésistance dans le Mékong et rappelle à quel point les conflits alimentent la propagation des maladies mortelles.

Pourquoi l’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine est un modèle qui fonctionne

Une collaboration régionale

En assurant la coordination des gouvernements, des partenaires techniques, des agences de santé et des organisations de la société civile au-delà des frontières, l’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine favorise un partage efficace des connaissances et une harmonisation des stratégies. Cette approche régionale permet d’accélérer les avancées, d’améliorer la supervision et d’allouer les ressources de manière ciblée et optimisée.

Des réseaux de santé communautaires

L’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine a formé 35 000 agentes et agents locaux qui fournissent des services de lutte contre le paludisme – dépistage, traitement, surveillance des maladies et prévention – aux personnes vivant dans les communautés les plus exposées à la maladie. Ces travailleuses et travailleurs de première ligne sont soutenus par un réseau de plus de 50 organisations de la société civile de toute la région qui veillent à ce que leurs interventions se fassent dans le respect des spécificités culturelles et atteignent les personnes qui en ont le plus besoin.

Photo : Le Fonds mondial et SCDI/Lê Văn Kiến

Des interventions ciblées pour les groupes à haut risque

L’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine donne la priorité aux populations les plus exposées, notamment les personnes qui travaillent en forêt, les migrants et les minorités ethniques qui vivent dans des zones à forte transmission. Plusieurs interventions ont montré des résultats parmi ces groupes, notamment la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide, les cliniques mobiles, les schémas thérapeutiques ciblés contre le paludisme pharmacorésistant et la surveillance numérique des maladies pour assurer le suivi des flambées épidémiques.

Pour maintenir les avancées dans le Mékong et au-delà, des investissements sont nécessaires

L’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine fournit une feuille de route essentielle pour lutter contre le paludisme pharmacorésistant, qui émerge désormais dans d’autres parties du monde, y compris dans plusieurs pays d’Afrique. En montrant l’efficacité de ses stratégies d’endiguement dans la région du Mékong, elle offre des pistes pour prévenir une propagation à l’échelle mondiale. L’élimination du paludisme permet de sauver des vies, mais également de réduire le fardeau économique à long terme.

L’engagement politique reste un élément essentiel de la réussite : l’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine souligne que la lutte contre la pharmacorésistance et l’élimination du paludisme exige des investissements harmonisés, des systèmes de santé intégrés, un engagement communautaire fort et une collaboration à l’échelle régionale.

Avec l’émergence de la pharmacorésistance dans d’autres parties du monde, les investissements visant à maintenir ces efforts dans la région et à reproduire cette approche au-delà des frontières sont essentiels pour préserver les avancées mondiales contre le paludisme et protéger tout le monde contre cette maladie meurtrière qui évolue rapidement.

Photo : OMS/Enric Catala