
La tuberculose demeure la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde. Sévissant de longue date, elle tue chaque année plus d’un million de personnes, principalement au sein des populations les plus pauvres et les plus isolées. Cependant, nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère de progrès dans la lutte contre cette maladie, une évolution qui résulte de diverses innovations, notamment de l’intelligence artificielle (IA).
En effet, l’IA améliore rapidement notre capacité à dépister la tuberculose chez les personnes et dans les endroits que les systèmes de santé conventionnels ne parviennent généralement pas à atteindre. Grâce à des logiciels assistés par l’IA capables d’analyser les radiographies thoraciques numériques, les agentes et agents de santé peuvent rapidement déterminer si une personne est atteinte de la tuberculose. Installés dans des unités mobiles, ces outils nous permettent de fournir immédiatement des soins vitaux aux communautés n’ayant qu’un accès restreint aux services de base – personnes incarcérées, personnes réfugiées, communautés rurales pauvres et populations socialement marginalisées – et d’atteindre des personnes porteuses de la maladie qui échappent largement aux systèmes de santé.
Il s’agit là d’une avancée majeure en ce qui concerne les moyens dont nous disposons pour fournir un accès équitable au diagnostic, au traitement et à la prise en charge de la tuberculose. Au Pakistan, l’un des pays où la charge de morbidité de la tuberculose est la plus élevée, des cliniques mobiles équipées d’appareils de radiographie numérique assistée par l’IA permettent de dépister la maladie sur place et de signaler les cas potentiels afin qu’ils bénéficient d’un suivi. Ce dispositif favorise un diagnostic précoce, une prise en charge plus rapide, une baisse des cas de tuberculose non détectés, et enfin, un nombre accru de vies sauvées. Qui plus est, ces plateformes ne se limitent pas au dépistage de la tuberculose. Elles sont également capables de diagnostiquer d’autres affections pulmonaires, comme la pneumonie et la coqueluche, ainsi que d’autres maladies non transmissibles comme la cardiomégalie.
Cet exemple n’est qu’un aspect de l’aptitude de l’IA à renforcer les capacités, à accroître l’efficacité et à fournir de nouveaux moyens d’atteindre les personnes où elles se trouvent. Pour les bailleurs de fonds, le recours à cet outil multifonction permettant à lui seul de renforcer les soins de première ligne et d’améliorer l’efficacité de l’ensemble des systèmes de santé se traduit par un retour sur investissement plus important.
Concrètement, le déploiement de l’IA à grande échelle nécessitera des investissements ciblés afin d’appuyer les pays dans la définition de leurs priorités et l’élaboration de leur propre programme d’action. Comme nous l’avons constaté avec les produits pharmaceutiques, les outils les plus efficaces sont ceux élaborés en collaboration avec les personnes auxquelles ils sont censés être utiles. Il convient donc d’encourager les pays et les communautés à jouer le rôle de chefs de file. De même que nos partenariats dans le domaine des produits biomédicaux ont permis de faire progresser l’équité en matière de santé, l’IA doit avoir des retombées non seulement efficaces, mais également inclusives et équitables.
Entre 2021 et 2025, le Fonds mondial a investi plus de 193 millions de dollars US afin de mettre en place le dépistage de la tuberculose assisté par l’IA dans plus de 20 pays. Et ce n’est qu’un début. De fait, nous ne considérons pas seulement l’IA comme un outil de lutte contre la tuberculose, mais également comme une plateforme susceptible d’entraîner une utilisation beaucoup plus rationnelle des ressources, de promouvoir une prestation de services intégrés couvrant les maladies infectieuses et les maladies non transmissibles, et de renforcer la préparation et la riposte aux pandémies.
Notre utilisation de l’IA dans la lutte contre la tuberculose – et les avancées accomplies par notre partenariat pour ce qui est d’atteindre les communautés n’ayant qu’un accès restreint aux services de base – constitue une validation de principe indéniable. Nous avons en effet réalisé des progrès significatifs en dépistant un nombre accru de cas de tuberculose à l’échelle mondiale. En 2023, nous avons diagnostiqué la maladie chez 8,2 millions de personnes, contre 7,5 millions en 2022 et 7,1 millions en 2019.Ces résultats représentent une amélioration considérable en regard du recul enregistré durant la pandémie de COVID-19, avec 5,8 millions de personnes dépistées en 2020 et 6,4 millions en 2021. En outre, le nombre de cas de tuberculose non diagnostiqués diminue rapidement, passant d’environ 4 millions en 2020 et 2021 à seulement 2,7 millions en 2023, un chiffre inférieur à celui de 2019, antérieur à la pandémie, qui s’élevait à 3,2 millions.
Ces progrès sont d’une importance capitale. Sans traitement, la tuberculose est souvent mortelle et une personne atteinte de tuberculose active non traitée peut infecter jusqu’à 15 autres personnes en un an. Chaque cas que nous diagnostiquons et traitons nous rapproche un peu plus de l’éradication de cette maladie ancestrale et du renforcement de la sécurité sanitaire mondiale.
Nous savons que l’IA peut être un outil puissant et radical dans la lutte contre les maladies infectieuses mortelles. Mais notre volonté de la déployer à grande échelle sera-t-elle à la mesure de son efficacité avérée et de son pouvoir transformateur ? Pour les philanthropes et les partenaires du secteur privé, le moment est venu de faire le choix de changer considérablement la donne. Dans les contextes où les ressources sont limitées, les financements et les partenariats philanthropiques seront essentiels pour aider les pays à devenir des chefs de file et à définir, élaborer et déployer des solutions efficaces fondées sur l’IA. Nous pourrons alors fournir des solutions évolutives et à fort impact, lesquelles permettront de renforcer les soins primaires, d’assurer une prise en charge précoce et d’atteindre les personnes les plus démunies et les plus laissées pour compte, comme nous le constatons actuellement dans le cas de la tuberculose.
Cependant, nous ne pourrons concrétiser cette perspective très prometteuse qu’en procédant de manière appropriée. L’IA doit être développée et déployée de façon responsable, transparente et respectueuse de ses principes directeurs, à savoir les contextes locaux et l’équité. Elle doit œuvrer au service des personnes généralement exclues des bénéfices de l’innovation.
L’IA offre aux donateurs souhaitant investir dans des technologies innovantes à fort impact l’occasion de soutenir des solutions non seulement efficaces mais réellement transformatrices, permettant de sauver des vies et de bâtir pour toutes et tous un avenir plus équitable et en meilleure santé.
La version originale de cet article d’opinion a été publiée dans Forbes.