En Zambie, les « Pink Girls » brisent le silence et la stigmatisation qui entourent le VIH

Le 21 juillet 2025

Dans une salle communautaire du quartier de Chilenje, à Lusaka, en Zambie, des chants s’élèvent au-dessus du vacarme de la ville en effervescence. De jeunes femmes sont assises en cercle. Elles se sont surnommées les « Pink Girls », les filles en rose, une sororité unie par la force, la résilience et la guérison. 

En leur centre se tient Taonga Banda, une éducatrice pour les pairs et conseillère psychosociale qui a fait de son propre parcours avec le VIH une ressource vitale pour d’autres jeunes femmes.

Taonga connaît très bien le lourd fardeau de la stigmatisation. Parmi ses dix frères et sœurs, elle est la seule à être née séropositive au VIH. Sa mère a été emportée par une maladie liée au sida. Pourtant, avec le soutien de sa belle-mère aimante et d’une conseillère d’hôpital, Taonga a poursuivi son traitement. Petit à petit, elle a commencé à trouver sa voix – littéralement – mais aussi sa raison d’être : aider d’autres filles à emprunter le même chemin qu’elle, avec courage, et jamais seules.

Aujourd’hui, à tout juste 26 ans, Taonga dirige des séances hebdomadaires pour les adolescentes et les jeunes femmes de sa communauté qui vivent avec le VIH. Elle y offre bien plus qu’un accompagnement psychologique : durant ces rencontres, les filles peuvent être elles-mêmes, méditer, apprendre de nouvelles compétences, chanter, pleurer et dire ce qu’elles pensent. Surtout, elles peuvent commencer à croire de nouveau en leur avenir.

« Elles portent en elles beaucoup de douleur, explique Taonga. Je sais que je dois être là pour elles. Je leur offre une épaule, une oreille attentive, et je les aide à s’aimer elles-mêmes. Je leur répète qu’elles peuvent faire tout ce qu’une personne séronégative au VIH peut faire. »

Muapa et Chola, 21 ans, font toutes les deux partie des Pink Girls. Elles ont trouvé une force dans ce groupe. « Ici, on peut s’exprimer sans crainte, confie Muape. Je suis séropositive au VIH, mais je peux accomplir tout ce que je veux. » 

Chola acquiesce : « Il ne faut pas abandonner. On doit aller à l’école et devenir quelqu’un ».

Mwila, 19 ans, partage leur avis. Elle a commencé son traitement à 15 ans et d’après elle, c’est Taonga qui l’a aidée à vraiment s’accepter telle qu’elle est. « J’ai beaucoup de rêves. J’aimerais devenir infirmière, créer mon entreprise, fonder une famille. Désormais, je sais qui je suis réellement. J’ai été confrontée à la stigmatisation, y compris venant de ma famille, mais je ne peux pas me laisser détruire par ce que disent les autres. Savoir, c’est pouvoir. »

Taonga puise de la force chez ces jeunes femmes, même lors des séances les plus difficiles. « Parfois, elles s’écroulent, et je le ressens moi aussi, confie-t-elle. Je dois être forte et leur rappeler qu’elles ont encore tout un chemin à parcourir. S’accepter, ça ne se fait pas en un jour. »

Si Taonga a dû faire face à la stigmatisation et à d’autres défis au fil des années, sa vie a aussi été remplie de beaucoup d’amour. Elle est mariée à un homme séronégatif au VIH qui l’accompagne parfois lors de ses séances pour parler d’acceptation et de relations saines avec les jeunes femmes. « Il aime mon cœur », dit-elle avec un sourire paisible.

La Zambie a dépassé les cibles 95-95-95 (95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 95 % de ces personnes suivent un traitement vital et 95 % des personnes traitées ont une charge virale indétectable). Toutefois, les adolescentes et les jeunes femmes comptent encore pour 80 % des nouvelles infections C’est pourquoi le travail de Taonga est encore si crucial.

Depuis 2003, le Fonds mondial a investi plus de 650 millions de dollars US dans la riposte de la Zambie contre le VIH. L’organisation collabore avec des partenaires nationaux et locaux pour élargir l’accès aux services de prévention, de dépistage et de traitement. Ce soutien a également permis de renforcer les systèmes de santé pour garantir un accès aux soins plus équitable. Les investissements du partenariat du Fonds mondial visent plus particulièrement à s’assurer que toutes les personnes qui en ont besoin aient accès au traitement antirétroviral, notamment les adolescentes et les jeunes femmes.

Pour Taonga et les Pink Girls, la journée Zéro stigmatisation liée au VIH n’est pas qu’une date sur le calendrier. C’est un engagement quotidien, à l’amour de soi et à la sororité, mais aussi à briser le silence qui entoure encore le VIH. C’est également l’occasion de surmonter les inégalités de genre que beaucoup d’entre elles affrontent en silence.

« Nous sommes nombreuses, affirme Esther, 16 ans. Et nous formons une famille. »