Cette année est celle de l’action contre la tuberculose. L’ONU tiendra une réunion de haut niveau sur ce thème et les attentes sont fortes de voir la communauté internationale s’en servir afin d’accélérer la lutte menée pour en finir avec l’épidémie de tuberculose d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif, les partenaires de la santé mondiale en appellent à une direction politique plus décisive dans le cadre de la lutte contre la tuberculose, à des investissements plus importants dans les programmes nationaux chargés de combattre la maladie et à davantage d’efforts en matière de recherche et de développement d’outils destinés à la prévenir et à la traiter.
Parce que plus de 4000 personnes meurent chaque jour de la tuberculose, il ne fait aucun doute pour nous que nous devons renforcer les programmes qui la combattent partout dans le monde. Pour cela, nous devrons tirer les enseignements de la longue histoire semée d’embûche de la lutte contre cette maladie, de ses échecs aussi bien que de ses victoires. Les nouveaux outils de diagnostic et de traitement dont nous disposons aujourd’hui, ainsi que les stratégies innovantes mises en place dans le domaine de la santé nous offrent véritablement l’occasion d’en finir avec l’épidémie. Toutefois, la diffusion de ces enseignements et de ces outils est loin d’être suffisante, pas plus que ne l’est leur mise en œuvre.
Comment pouvons-nous tirer parti de ces enseignements pour obtenir un impact plus marqué contre la tuberculose ? C’est pour tenter de répondre à cette question que des gestionnaires de programmes nationaux de lutte contre la tuberculose, des représentants de la société civile et des partenaires de la santé mondiale issus de 21 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont convergé vers Cotonou, au Bénin, à la fin du mois de mars. Leur but : dresser l’inventaire des idées et des stratégies efficaces susceptibles d’être transposées dans les différents pays pour lutter contre la tuberculose à l’échelle mondiale, et les mettre en commun.
L’Éthiopie a permis aux participants d’évoquer les 38 000 agents de vulgarisation sanitaire à l’échelle communautaire que le pays a déployés sur son territoire pour assurer l’éducation aux questions de santé, repérer les personnes présentant des symptômes de la tuberculose, recueillir les échantillons d’expectorations, préparer les prélèvements et les expédier vers les laboratoires pour y être examinés. Ces agents de santé communautaire trouvent beaucoup de cas de tuberculose qui, sans eux, seraient passés inaperçus. Ils apportent en outre un soutien aux patients tout au long de leur traitement. Grâce à eux, les districts soutenus par le projet ont doublé le nombre de cas de tuberculose déclarés au système de santé éthiopien, le faisant passer de 64 à 127/100 000 habitants. De plus, les taux de succès thérapeutique en ce qui concerne la tuberculose dans ces mêmes districts ont, eux aussi, progressé, passant de 76 à 96 pour cent.
Les participants ont également appris qu’au Niger, la prise en charge centrée sur le patient change la donne en matière de lutte contre la tuberculose. Soutenu par ses partenaires, le pays a créé des centres spécialisés dans la tuberculose multirésistante, où les patients sont suivis tout au long de la phase intensive du traitement, avant de passer en soins de jour. Des visites à domicile sont organisées pour les patients qui vivent trop loin des établissements de santé. Ce projet offre de surcroît un soutien socioéconomique aux patients atteints de tuberculose multirésistante, notamment en prenant en charge le transport depuis leur domicile jusqu’aux établissements de santé où ils se rendent pour leurs contrôles. Les patients se voient également proposer d’autres formes de soutien, comme des compléments nutritionnels et des conseils. Ces efforts portent leurs fruits, puisque le pourcentage de cas en retraitement testés à l’aide des machines GeneXpert est passé de 11 à 89 pour cent. La mise en service de la technologie GeneXpert permet de réduire le délai entre la suspicion d’une tuberculose multirésistante chez un patient et le début du traitement en le ramenant de 165 à 12 jours.
En Tanzanie, les partenaires ont avant tout cherché à améliorer l’efficacité et la qualité des programmes de lutte contre la tuberculose. La première enquête sur la prévalence de la maladie à l’échelle nationale menée dans le pays en 2013 a mis en évidence une charge de morbidité bien plus élevée que celle relevée les années précédentes. Il en est également ressorti que de nombreux cas de tuberculose manquaient à l’appel, même après que les patients se sont rendus dans des établissements de santé. En conséquence, le pays a conçu un plan exhaustif visant à proposer un dépistage de la tuberculose à tous les patients qui se rendent dans un établissement de santé. Dans ce contexte, différents outils ont été élaborés pour faciliter ce dépistage actif, comme des registres des cas présumés de tuberculose et des tableaux de notation pour le dépistage de la tuberculose pédiatrique. Le programme fait aussi appel à des agents de santé communautaire pour trouver les cas manquant à l’appel dans les villages isolés. Dans les districts qui appliquent cette démarche, l’impact est remarquable. Même si le déploiement des machines GeneXpert pose des problèmes, la notification des cas de tuberculose a progressé de plus de 50 pour cent.
L’Ouganda a partagé plusieurs solutions novatrices pour améliorer la détection et la prévention des cas de tuberculose chez l’enfant, notamment par une décentralisation et une intégration du diagnostic et de la prise en charge pédiatriques de la maladie. Le programme national de lutte contre la tuberculose a proposé une formation globale à destination des professionnels des soins de santé à tous les niveaux, national, régional et communautaire. En collaboration avec les partenaires, il est parvenu à mettre en œuvre le projet « DETECT Child TB » (Détecter la tuberculose chez l’enfant), prévoyant la décentralisation des professionnels de la santé pour diagnostiquer et prendre en charge la tuberculose, ainsi que le déploiement d’agents de santé communautaire pour suivre les enfants qui ont eu des contacts avec des adultes atteints de tuberculose. Grâce aux efforts ainsi déployés, le taux de notification des cas de tuberculose pédiatrique est passé de 8,8 à 15 pour cent dans les deux districts où le programme a été mis en œuvre. Une autre solution passait par l’intégration des services liés à la tuberculose, au VIH et à la nutrition au niveau communautaire. Toutes ces mesures ont permis de faire passer le taux global de notification des cas de tuberculose pédiatrique à l’échelle du pays de 7,5 pour cent en 2014 à 9,3 pour cent en 2017.
En Côte d’Ivoire, l’accès aux services antituberculeux pose des problèmes en raison du manque d’établissements de diagnostic et de traitement à l’échelle nationale. Ainsi, un établissement de diagnostic dessert entre 400 000 et 500 000 personnes et il arrive que les patients doivent parcourir 200 km jusqu’au centre le plus proche. Le pays a investi pour étendre la couverture des services de lutte contre la tuberculose en améliorant les services de traitement, en rénovant des établissements de soin et en en créant de nouveaux à bas coût pour que la population y ait davantage recours. Le programme a également décentralisé la prise en charge et le traitement de la tuberculose et a assuré la formation des professionnels de la santé, y compris les tradipraticiens et les agents de santé communautaire. Un an après le début de la décentralisation de la prise en charge de la tuberculose et de son intégration dans les établissements de santé et les centres communautaires existants, les résultats en matière de traitement de la maladie se sont améliorés (de 81 à 83 pour cent) et on est passé de 12 à 23 pour cent de cas détectés par des agents de santé communautaire au sein de la population générale. Parmi les populations-clés, la proportion de cas détectés par des agents de santé communautaire est passée de 37 à 63 pour cent du nombre total.
Outre ces cinq exemples, la réunion a permis aux participants de repartir avec d’autres éléments à retenir, des avis et des enseignements provenant d’autres pays.
De plus, les participants ont profité de cette réunion pour réaffirmer leur engagement à en finir avec la tuberculose, comme l’envisagent les Objectifs de développement durable. Au travers d’un document intitulé « Déclaration de Cotonou sur la tuberculose », ils exhortent les gouvernements d’Afrique de l’Ouest et du Centre à réduire de 50 pour cent d’ici 2020 la proportion de cas manquant à l’appel de même que le nombre de décès chez les personnes co-infectées par la tuberculose et le VIH. Ils en appellent également à des mesures urgentes pour faire progresser les interventions relatives à la tuberculose pédiatrique – prévention, détection des cas et traitement – d’au moins 50 pour cent d’ici 2020.
Eliud Wandwalo est coordonnateur principal de la lutte contre la tuberculose au Fonds mondial. Tina Draser y est la responsable régionale chargée de l’Afrique centrale.