Rapport 2021 sur les résultats : Message du directeur exécutif

08 septembre 2021 par Peter Sands, Directeur Exécutif

L’année 2021 marque le 20e anniversaire du Fonds mondial. En deux décennies, nous avons réalisé des progrès remarquables dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Cet anniversaire est malheureusement terni par un constat alarmant : la pandémie de COVID-19 nous a fait perdre du terrain durement gagné contre ces maladies.

Pour nos vingt ans, nous voulions que ce Rapport sur les résultats raconte les extraordinaires histoires de courage et de résilience qui ont jalonné deux décennies de progrès dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme.

Nous souhaitions rendre hommage aux innombrables héros du partenariat du Fonds mondial qui ont tant travaillé et tant donné pour combattre ces trois épidémies. Hélas, les statistiques de 2020 nous ont obligés à changer de perspective.

Le COVID-19 a eu des effets dévastateurs sur la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, ainsi que sur les communautés que nous appuyons. Pour la première fois dans l’histoire du Fonds mondial, les indicateurs clés des programmes ont enregistré des reculs.

Sur la couverture du présent rapport, on voit An Biya Nur Melani, une adolescente qui a remporté un terrible combat contre la tuberculose multirésistante il y a huit ans, alors qu’elle était âgée de 17 ans. Elle a eu accès à des médicaments contre la maladie grâce au soutien que le Fonds mondial a accordé à l’Indonésie pour le traitement de la tuberculose pharmacorésistante à partir de 2009. An Biya a eu de la chance : seulement 38 % des personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante accèdent à des soins. Et parmi les personnes traitées, seulement 57 % se rétablissent. Les autres ne terminent pas leur traitement, ou meurent parce que le traitement ne fonctionne pas pour elles. Pendant 18 mois, An Biya s’est rendue quotidiennement à la clinique médicale pour recevoir le traitement intensif nécessaire à sa guérison. Une question brûlante se pose : si An Biya avait développé la tuberculose multirésistante aujourd’hui, en Indonésie – un pays aux prises avec sa plus grande vague de COVID-19 jusqu’à présent, dont les systèmes de santé croulent sous la pression et où des centaines de personnes sont tuées chaque jour par le virus –, aurait-elle été testée pour la tuberculose multirésistante ?

Aurait-elle pu suivre le traitement intensif et prolongé qui lui a sauvé la vie ? Aurait-elle eu accès au soutien qui lui a été indispensable pour combattre cette terrible maladie ?

À l’échelle mondiale, la pandémie de COVID-19 a eu un effet dévastateur sur la lutte contre la tuberculose. Entre 2019 et 2020, le nombre de personnes traitées pour la tuberculose pharmacorésistante dans les pays où le Fonds mondial investit a chuté de 19 %, le nombre de personnes sous traitement pour la tuberculose ultrarésistante de 37 %, et le nombre de patients tuberculeux séropositifs sous antirétroviraux pendant le traitement de la tuberculose de 16 %. Globalement, on a traité pour la tuberculose environ un million de personnes de moins en 2020 qu’en 2019.

En ce qui concerne le VIH, les impacts de la pandémie de COVID-19 sont également très lourds. Bien que le nombre de personnes séropositives sous traitement antirétroviral ait continué de s’accroître, avec une augmentation de 9 %, cette statistique encourageante doit être tempérée par la réduction alarmante des services de prévention et de dépistage. Comparativement à 2019, les programmes et les services de prévention du VIH ont atteint 11 % moins de personnes, et 12 % moins de jeunes. La circoncision médicale pour la prévention du VIH a chuté de 27 %. On a effectué 22 % moins de tests de dépistage du VIH.

Les perturbations occasionnées par le COVID-19 ont entravé l’accès à des informations et à des outils dont les personnes les plus vulnérables auraient eu besoin pour se prémunir de l’infection. Après tant d’années de gains si durement acquis, il serait tragique d’assister à une recrudescence des infections au VIH.

Dans la lutte contre les trois maladies, ce sont les interventions visant le paludisme qui semblent avoir le moins souffert du COVID-19 jusqu’à présent. Il semble que l’adaptation rapide des services de lutte contre le paludisme ait limité les dégâts, avec une baisse de 4,3 % du dépistage des cas suspects de paludisme par rapport à 2019.

Toutefois, les progrès dans la lutte contre la maladie se sont arrêtés. Les services de lutte contre le paludisme n’ont pas affiché la croissance annuelle indispensable pour vaincre la maladie.

Ces statistiques confirment clairement ce que nous redoutions dès l’apparition du COVID-19. Dans de nombreux pays, le COVID-19 a submergé les systèmes de santé, les confinements ont perturbé les services, et des ressources vitales de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ont été réaffectées à la lutte contre la nouvelle pandémie. Celle-ci a touché de manière disproportionnée les personnes déjà vulnérables aux épidémies existantes : les personnes vivant dans la pauvreté, les groupes marginalisés, les personnes sans accès aux soins de santé. Bien des gens ont évité de se présenter à un centre de santé pour obtenir leurs traitements par crainte de contracter le COVID-19, mais aussi par crainte du rejet social subi par les personnes présentant des symptômes associés au COVID-19, comme la toux ou la fièvre.

La situation serait pire encore si le partenariat du Fonds mondial n’avait pas atténué les impacts du COVID-19 sur la lutte contre les trois maladies par son intervention rapide et décisive. En mars 2020, le Fonds mondial a immédiatement mis à disposition, au moyen d’assouplissements de ses subventions, quelque 500 millions de dollars US pour aider les pays à sauvegarder les acquis contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, et appuyer leur réponse au COVID-19. Le 9 avril 2020, nous avons lancé le dispositif de riposte au COVID-19 (C19RM), destiné à aider les pays à combattre la pandémie, à atténuer ses impacts sur leurs programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme et à renforcer d’urgence leurs systèmes de santé. À la fin de 2020, les généreuses contributions de donateurs nous ont permis de décaisser 980 millions de dollars US pour 105 pays et 14 programmes multipays par le biais de ces deux mécanismes de financement. En date d’août 2021, nous avions augmenté ces mesures de soutien à 3,3 milliards de dollars US pour 107 pays et 16 programmes multipays.

En tant que premier organisme multilatéral de subventions en santé mondiale et fort de son expérience inégalée dans la lutte contre les maladies infectieuses, le Fonds mondial occupe une position privilégiée pour aider les pays dans leur riposte au COVID-19. Nous avons mis à profit notre taille, nos systèmes bien établis et nos partenariats pour déployer des ressources avec promptitude et efficacité. En nous appuyant sur notre longue expérience et nos relations, nous avons rapidement apporté notre soutien à des actions dirigées par la communauté visant à contrer le COVID-19 et à maintenir les services vitaux de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Après tant d’années d’investissement dans les infrastructures et les capacités essentielles des systèmes de santé, comme les réseaux de laboratoires et les chaînes d’approvisionnement, nous étions fins prêts pour aider les pays à déployer ces capacités sur le front de la lutte contre le nouveau virus et de l’atténuation de ses impacts sur le VIH, la tuberculose et le paludisme.

Dès le début de la crise, nous avons compris que pour sauvegarder nos gains durement acquis dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, il fallait à tout prix aider les pays à riposter efficacement au COVID-19. C’est ce que nous avons fait, en leur fournissant des tests, des traitements et de l’oxygène, ainsi que des équipements de protection individuelle (EPI) pour la sécurité de leurs agents de santé de première ligne, tout en les aidant à adapter leurs programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme et à renforcer d’urgence leurs systèmes de santé fragilisés. Pour ce faire, le Fonds mondial a collaboré étroitement avec des partenaires clés, notamment pour créer l’Accélérateur d’accès aux outils de lutte contre le COVID-19 (Accélérateur ACT), une coalition mondiale novatrice qui soutient le développement et la distribution équitable des tests, des traitements et des vaccins, ainsi que le renforcement des systèmes de santé, dans le but de vaincre le COVID-19.

La dure réalité nous rappelle toutefois que ces efforts n’ont pas suffi, même si nos interventions ont probablement permis d’éviter un scénario encore plus funeste. Le COVID-19 a entraîné le pire recul dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme en vingt ans d’existence du Fonds mondial. La pandémie a creusé les inégalités, détourné des ressources vitales, interrompu ou entravé l’accès aux activités de traitement et de prévention et enfoncé encore plus les populations vulnérables dans la précarité.

Le présent Rapport sur les résultats décrit les immenses difficultés auxquelles nous avons été confrontés en 2020, alors que nous tentions de poursuivre la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme tout en ripostant à une nouvelle pandémie. Notre partenariat a fait preuve de souplesse et de détermination, fournissant des médicaments, du matériel et des soins à des millions de personnes dans le monde, en dépit des perturbations, de la réaffectation des ressources et du risque d’infection au COVID-19. La crise a mis en exergue l’importance capitale des systèmes de santé dans la préparation et la riposte aux pandémies : les laboratoires, les réseaux de santé communautaires, les systèmes d’information et les chaînes d’approvisionnement qui avaient été mis sur pied pour lutter contre le VIH, la tuberculose et le paludisme se sont révélés la pierre angulaire de la lutte contre le COVID-19.

La crise du COVID-19 a catalysé une multitude d’innovations dans la lutte contre les trois maladies, comme la distribution pour plusieurs mois de médicaments contre la tuberculose et le VIH, l’utilisation d’outils numériques pour le suivi du traitement ou l’amélioration des interventions de prévention de la tuberculose, et l’introduction d’approches diagnostiques centrées sur le patient, comme le dépistage intégré du VIH, de la tuberculose et du COVID-19. Bon nombre de ces innovations feront partie de l’arsenal de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme après la crise. Au Nigéria, par exemple, l’Agence nationale de lutte contre le sida a fait passer des tests de dépistage du VIH aux nombreuses personnes qui se présentaient dans les cliniques de santé pour un dépistage du COVID-19, ce qui a permis de détecter davantage de personnes séropositives. Dans plusieurs pays, les agents de santé communautaires et les bénévoles de la lutte contre le paludisme ont tôt fait d’abandonner la distribution centrale des moustiquaires – qui se faisait par grands rassemblements de personnes dans un lieu communautaire – au profit de leur distribution porte-à-porte.  Résultat : des moustiquaires ont été distribuées dans un plus grand nombre de ménages que jamais. Dans la lutte contre la tuberculose, le COVID-19 a catalysé des changements qui se faisaient attendre : dans de nombreux pays, on distribue désormais pour plusieurs mois de médicaments contre la tuberculose, et les examens sont effectués à distance par SMS ou application numérique.

Le Rapport sur les résultats montre que, malgré les obstacles rencontrés face au COVID-19, le partenariat du Fonds mondial continue, dans l’ensemble, d’avoir un impact majeur sur le VIH, la tuberculose et le paludisme. Nous avons sauvé 44 millions de vies depuis 2002, dont 5,4 millions en 2020 seulement. Les décès causés par le VIH, la tuberculose et le paludisme ont chuté de 46 % depuis 2004 dans les pays où le Fonds mondial investit. Ces chiffres démontrent que nous devons continuer à investir massivement dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, tout en combattant la nouvelle pandémie.

Le 20e anniversaire du Fonds mondial est l’occasion de réfléchir à l’élan de solidarité mondiale sans précédent qui a donné naissance à notre partenariat. Tout en relevant les progrès réalisés dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, nous réitérons notre engagement à mettre fin à ces maladies en tant que menaces pour la santé publique à l’échelle mondiale.

Notre partenariat est né du refus d’accepter les inégalités qui faisaient en sorte que la prévention, les soins et le traitement du VIH, de la tuberculose et du paludisme n’étaient accessibles qu’aux plus riches. Avec ses partenaires, le Fonds mondial a mobilisé mouvements de solidarité mondiale, dirigeants politiques et investissements dans la lutte contre trois maladies qui, à l’époque, semblaient invincibles. Alors que nous marquons 20 années d’impact, nous rendons hommage à notre partenariat diversifié, qui réunit la société civile, les organisations confessionnelles, les gouvernements, les agences multilatérales et bilatérales, les organisations non gouvernementales, les personnes vivant avec les maladies, le secteur privé et les agences techniques. Ensemble, nous avons renversé la tendance du VIH, de la tuberculose et du paludisme. Nous avons changé le cours des choses. Et c’est avec détermination que nous allons continuer de le faire.

Pour mettre fin au VIH, à la tuberculose et au paludisme et pour faire face aux nouvelles menaces comme le COVID-19, nous devons poursuivre le développement de systèmes résistants et pérennes pour la santé. Nous devons renforcer les capacités du personnel de santé, appuyer des ripostes communautaires dynamiques, mettre en place des chaînes d’approvisionnement et des systèmes de données plus efficaces et efficients, et garantir un financement suffisant et durable. Nous devons réitérer notre engagement envers les personnes laissées pour compte en raison de leur identité ou de leur lieu de vie. Nous devons redoubler d’efforts pour en finir avec le VIH, la tuberculose et le paludisme, sans oublier personne. Dans le combat contre des maladies infectieuses aussi redoutables, personne n’est véritablement à l’abri tant que tout le monde n’est pas à l’abri.

Le temps est venu de nous mobiliser pour sauver des vies. Une nouvelle fois. Comme il y a 20 ans, alors que le partenariat du Fonds mondial exhortait le monde entier à lutter contre les grandes maladies infectieuses. Nous devons à tout prix sauvegarder les progrès réalisés contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Nous devons également lutter contre le COVID-19 et développer des systèmes de santé solides et résilients capables de protéger tout le monde, partout, des futurs agents pathogènes.

Il faut considérer la lutte contre le COVID-19 comme un catalyseur qui nous permettra de terminer les combats inachevés contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. C’est en continuant d’innover et de collaborer – à l’échelle mondiale, nationale et locale – que nous mettrons fin au VIH, à la tuberculose et au paludisme, que nous vaincrons le COVID-19, et que nous renforcerons nos dispositifs de préparation et de riposte aux pandémies.

Le monde a payé un lourd tribut au COVID-19. Que cela n’ait pas été en vain. Saisissons cette occasion pour édifier un monde plus équitable et en meilleure santé.