La lutte contre la tuberculose au Japon pourrait être un modèle de préparation aux pandémies

14 juillet 2023 par Peter Sands, Directeur Exécutif

En mars dernier, je suis retourné au Japon pour la première fois depuis la pandémie de COVID-19. À chaque fois que je parcours les rues animées de Tokyo, je suis sidéré par le nombre de personnes qui vivent, travaillent et déambulent dans cette mégalopole. La région du Grand Tokyo compte plus de 37 millions d’habitants. Et pourtant, dans ce pays d’une si grande densité urbaine et comptant la population la plus âgée au monde, le taux de mortalité du COVID-19 a été beaucoup plus bas que dans des pays comparables.

En date de juin 2023, le taux de mortalité du COVID-19 s’établissait à 602 par million d’habitants au Japon. C’est deux fois moins qu’au Canada, le pays du G7 ayant enregistré le deuxième taux de mortalité le plus bas. Et c’est plusieurs multiples de moins qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Italie, où on a recensé environ 3 300 décès par million d’habitants. Qu’a fait le Japon pour éviter d’avoir un bilan humain aussi tragique que celui des autres pays de l’OCDE ?

La réponse réside en partie dans la lutte contre la tuberculose et l’atteinte de la couverture sanitaire universelle après la Deuxième Guerre mondiale.Au début des années 1950, le Japon s’est lancé dans un ambitieux projet national de lutte contre la tuberculose, sa première cause – et de loin – de mortalité à l’époque, combinant les dernières innovations scientifiques, la mobilisation communautaire, la participation du secteur privé et une détermination à atteindre les communautés les plus marginalisées. En fait, un bon nombre des approches qui sont considérées comme novatrices dans les systèmes de santé d’aujourd’hui, comme la consultation au niveau du terrain pour renseigner l’élaboration des politiques globales, la direction de la recherche des cas par les groupes locaux et le dépistage obligatoire dans le milieu professionnel, ont été développées il y a des décennies au Japon.

L’approche du Japon a non seulement abaissé de façon spectaculaire les infections tuberculeuses et les décès, mais elle a également constitué le fondement de la couverture sanitaire universelle – un système de santé complet, à la portée de toutes et de tous et résolument axé sur la santé publique. Le système de santé japonais intervient tôt, suit les patients de près et, surtout, vise à ne laisser personne de côté.

Aucun système n’est parfait, mais les succès remportés par le Japon sur le COVID-19 ont démontré la pertinence de l’approche du pays. La riposte au COVID-19 du Japon s’est appuyée d’une part sur les pratiques cliniques et les infrastructures mises sur pied pour la lutte contre la tuberculose, comme les diagnostics moléculaires et les protocoles de prévention de l’infection, et d’autre part sur les approches de santé publique du pays.

L’expérience japonaise a prouvé que la lutte intensive contre une maladie infectieuse en particulier présente beaucoup plus d’avantages que la simple éradication de cette maladie. Elle conduit à la création de systèmes de santé résistants et véritablement universels, qui atteignent les personnes pauvres stigmatisées, vulnérables ou isolées géographiquement, c’est-à-dire les populations qui sont souvent touchées de manière disproportionnée par la maladie.

Il serait sage de retenir les leçons de l’expérience japonaise. Nous avons aussi l’occasion de nous appuyer sur la lutte contre la tuberculose pour mettre fin à d’autres maladies infectieuses, comme le VIH et le paludisme. Dans bien des pays, le meilleur moyen d’atteindre la couverture sanitaire universelle consiste à mener à terme le combat inachevé contre ces trois maladies qu’il est possible de prévenir et de traiter. L’intensification de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme aura un double avantage : sauver des millions de vies tout en participant à l’édification de systèmes de santé plus résistants, équitables et pérennes, mieux préparés aux futures menaces sanitaires.

L’année 2023 pourrait être celle où de nouveaux pays atteindront la couverture sanitaire universelle et où la préparation aux pandémies sera renforcée à l’échelle planétaire. Des centaines de leaders du monde entier se réuniront à New York en septembre à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations Unies, où trois réunions de haut niveau sur la tuberculose, la couverture sanitaire universelle et la préparation aux pandémies mettront la santé mondiale au cœur des débats. Ces réunions historiques pourraient donner le coup d’accélérateur indispensable à l’élimination de la tuberculose et d’autres maladies infectieuses, tout en jetant les bases d’une formidable infrastructure de santé pouvant offrir la couverture sanitaire universelle et bâtir de solides défenses contre les futures menaces sanitaires.

Ensemble, nous pouvons profiter de l’élan et de l’engouement générés par ces réunions pour accélérer le déploiement équitable des outils et des interventions les plus efficaces contre chacune des maladies, comme la tuberculose. Ce faisant, nous bâtirons des systèmes de santé et des systèmes communautaires plus résistants, pérennes et inclusifs pour la prévention et la détection des maladies infectieuses et prêts à une riposte immédiate, partout, en tout temps.

Nous avons une excellente occasion de rendre la couverture sanitaire véritablement « universelle », où toutes les personnes, y compris les plus vulnérables, ont accès à des soins de santé. Pour imaginer une stratégie qui nous aidera à réaliser cette vision, nous pourrions nous inspirer du modèle japonais : intensifier la lutte contre la tuberculose pour atteindre la couverture sanitaire universelle et étayer la préparation aux pandémies.

Cette tribune est d’abord parue dans Forbes.