Lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme : l’heure du bilan

19 septembre 2023

Réunis cette semaine à New York à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations Unies, les chefs d’État et de gouvernement de quelque 200 pays doivent faire face à une dure réalité : la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) est sérieusement compromise. Cette année marque l’arrivée à mi-parcours entre l’établissement de ces objectifs en 2016 et la date à laquelle ils sont censés être atteints : 2030. Or, si les 17 ODD offrent une vision globale des améliorations à apporter dans la vie des populations du monde entier, les progrès réalisés à leur égard sont, pour le moins, mitigés, et la plupart des cibles ne seront pas atteintes.

En ce qui concerne l’ODD 3, axé sur la santé et visant notamment à mettre fin au sida, à la tuberculose et au paludisme – des maladies infectieuses qui, à l’instar du COVID-19, demeurent les plus mortelles au monde – l’heure du bilan a sonné. Malgré l’impact des efforts menés à l’échelle mondiale au cours des vingt dernières années pour lutter contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, et une impressionnante relance à la suite des perturbations provoquées par la pandémie de COVID-19, la réalisation de l’objectif consistant à éliminer ces maladies d’ici à 2030 est menacée. Nous ne pourrons y parvenir qu’en prenant des mesures exceptionnelles.

Après les contretemps générés par la pandémie de COVID-19, la situation s’est remarquablement redressée : le nombre de personnes bénéficiant d’un traitement antirétroviral contre le VIH a atteint un niveau sans précédent. Le nombre de personnes traitées contre la tuberculose a lui aussi augmenté, de même que la quantité de moustiquaires distribuées pour prévenir le paludisme. Cependant, un nouveau rapport du Fonds mondial montre que nous ne sommes toujours pas en voie d’atteindre la cible de l’ODD 3 visant à mettre fin au sida, à la tuberculose et au paludisme d’ici à 2030.

Nous en étions déjà loin avant la pandémie, la diminution des infections et des décès étant insuffisante au regard des avancées nécessaires pour éliminer les trois maladies d’ici à 2030. Bien que nous ayons regagné la majeure partie du terrain perdu durant la crise sanitaire, nous n’avons pas accompli les progrès initialement prévus au cours des trois dernières années.

Le COVID-19 est loin d’avoir constitué le seul obstacle rencontré. Dans de nombreux pays où le Fonds mondial investit, une conjugaison de crises a rendu encore plus difficile la reprise de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme : les changements climatiques, les conflits et l’endettement, l’érosion alarmante des droits humains, ainsi que les inégalités s’accentuant au sein des pays et entre eux. Si l’impact et la dynamique de ces crises concomitantes diffèrent selon les régions, leurs premières victimes sont invariablement les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées, davantage exposées au risque de contracter les maladies infectieuses les plus mortelles.

À Sehwan, au Pakistan, une clinique mobile arrive dans une région dévastée par de graves inondations pour fournir des services de santé, notamment de dépistage et de traitement du paludisme. Photo: Le Fonds mondial / Saiyna Bashir / Panos

Le changement climatique a déjà des répercussions sur l’épidémiologie des maladies infectieuses. Ainsi, le paludisme gagne les hauts plateaux d’Afrique, régions jusqu’alors trop froides pour les anophèles porteurs de la maladie. Les cyclones, les inondations et d’autres phénomènes météorologiques extrêmes provoquent des flambées d’infection palustres, comme au Malawi et au Pakistan, tout en perturbant les infrastructures et les services de santé vitaux. L’insécurité alimentaire et la rareté de l’eau entraînent le déplacement de communautés entières, qui deviennent plus vulnérables aux maladies telles que la tuberculose.

Des conflits, parfois déclenchés par la concurrence pour l’obtention de ressources découlant du changement climatique, endommagent les infrastructures sanitaires et surchargent des services de santé déjà mis à rude épreuve. Les personnes malades n’ont plus accès aux traitements, les chaînes d’approvisionnement se brisent et les actions de prévention sont interrompues. Trop souvent, les populations n’ont pas accès aux services susceptibles de leur sauver la vie. Même lorsque la continuité des services essentiels est assurée, les agents de santé sont en danger et les coûts de prestation augmentent. Dans de nombreux pays, notamment en Afghanistan, au Myanmar, au Soudan et en Ukraine, les agents de santé font preuve d’un courage et d’un engagement remarquables en s’efforçant de fournir aux populations les plus vulnérables les services dont elles ont besoin.

Si la mortalité directement imputable aux catastrophes naturelles ou au déclenchement de conflits fait fréquemment la une des médias, le nombre de décès indirects causés par les maladies qui résultent de ces événements dépasse souvent l’impact initial. Pour avoir une chance d’atteindre les cibles relatives à l’éradication du sida, de la tuberculose et du paludisme, nous devons redoubler d’efforts dans la lutte contre ces maladies, notamment en investissant dans la création de systèmes de santé capables de supporter les effets du changement climatique. Il s’agit donc de maintenir les programmes vitaux de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme en période de conflits ou d’autres crises.

Le sida, la tuberculose et le paludisme se développent en raison des failles existant dans nos pays et au sein de la communauté mondiale. Le fait que le VIH/sida soit la principale cause de mortalité chez les femmes âgées de 15 à 45 ans en Afrique est un signe manifeste de la persistance des inégalités entre les genres, lesquelles se traduisent par des iniquités éducatives, la marginalisation économique et la violence fondée sur le genre. Le fait qu’au Nigéria seul, plus de 500 personnes, principalement des enfants de moins de 5 ans et des femmes enceintes, meurent chaque jour du paludisme, une maladie évitable et guérissable, montre l’ampleur des inégalités mondiales en matière de santé.

Malgré les nombreuses difficultés, nous pouvons encore atteindre l’objectif de mettre fin aux menaces pour la santé publique que constituent le sida, la tuberculose et le paludisme. Nous savons ce qu’il faut faire. Nous avons démontré notre capacité à faire reculer les maladies infectieuses, même les plus redoutables. Nous l’avons fait il y a 20 ans, alors que le sida semblait invincible, et nous l’avons fait à nouveau durant la pandémie de COVID-19. Et nous le faisons, jour après jour, dans de nombreux contextes touchés par des conflits ou des catastrophes.

Nous avons besoin d’un nouvel élan de solidarité et de leadership, qui galvanise le monde pour relever la deuxième moitié du défi des ODD. À cette fin, nous devons investir davantage et de manière plus judicieuse dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Nous devons améliorer l’accès aux innovations qui changent la donne et optimiser leur déploiement aux côtés des outils existants, afin de maximiser l’impact de chaque dollar investi. Nous devons enfin mettre davantage l’accent sur la mobilisation des communautés, la suppression des obstacles liés aux droits humains et la lutte contre les inégalités de genre, mais également contre les autres inégalités qui favorisent la propagation des maladies et empêchent les personnes d’accéder aux services dont elles ont besoin. Nous pourrons ainsi sauver des millions de vies et créer des conditions propices à un développement durable et équitable. C’est à nous de jouer. Il est temps de reprendre la voie vers l’élimination du sida, de la tuberculose et du paludisme à l’horizon 2030.

Cet article d’opinion a été publié pour la première fois dans Forbes.