La tuberculose fait rarement les gros titres. Pourtant, elle compte parmi les maladies infectieuses les plus meurtrières de la planète. En 2022, la tuberculose a emporté un total de 1,3 million de vies, dont 167 000 personnes vivant avec le VIH, au rythme effarant de 25 000 victimes par semaine. En dépit du fait que la tuberculose soit une maladie traitable et guérissable, son taux d’incidence a augmenté de 3,9 % de 2020 à 2022. La tuberculose dispute au COVID-19 le titre de maladie infectieuse la plus meurtrière de la planète, et menace d’abord et avant tout les personnes vivant dans les communautés les plus pauvres et les plus marginalisées du monde. La tuberculose est – et a toujours été – la pandémie du pauvre.
Mais aujourd’hui, nous voyons une lueur d’espoir. Après avoir gravement souffert des interruptions dues au COVID-19, les programmes de lutte contre la tuberculose se remettent sur les rails. Une hausse spectaculaire du nombre de personnes diagnostiquées et traitées pour la tuberculose a été annoncée dans le Rapport sur la tuberculose dans le monde 2023, publié mardi dernier par l’Organisation mondiale de la Santé. Cette reprise rapide du dépistage et du traitement a compensé les impacts catastrophiques du COVID-19 sur la lutte contre la tuberculose. Durant la pandémie, en 2020 et en 2021, le nombre de décès imputables à la tuberculose a augmenté. En 2022, cette tendance s’est inversée.
Ce succès est attribuable au leadership, à l’innovation et au partenariat. L’Inde, par exemple, grâce à un solide programme national de lutte contre la tuberculose, a considérablement réduit les notifications de cas de tuberculose. Même si elle porte le plus lourd fardeau de la maladie au monde, l’Inde ambitionne de mettre fin à la tuberculose d’ici 2025, soit cinq ans avant la cible de 2030 fixée dans les Objectifs de développement durable. De même, le Nigéria a mis en œuvre des stratégies novatrices combinant les agentes et agents de santé communautaires et des outils de diagnostic accessibles pour attaquer la maladie de front. Ces exemples nous rappellent avec éloquence que la détermination et une riposte coordonnée peuvent venir à bout de la tuberculose.
La tuberculose pharmacorésistante représente une grave menace pour la santé qui pourrait alimenter la résistance aux antimicrobiens dans le monde entier. Les taux de succès thérapeutique ont toutefois commencé à augmenter grâce à des avancées dans le domaine pharmaceutique, qui ont produit des schémas thérapeutiques plus courts et efficaces. Dans le cadre d’un récent appel à propositions lancé par le Service pharmaceutique mondial du Partenariat Halte à la tuberculose, la société Johnson & Johnson a accepté de réduire le prix de la bédaquiline de 55 %, ce qui amène le prix du nouveau schéma thérapeutique de six mois à moins de 500 dollars. En outre, le Service pharmaceutique mondial a annoncé une réduction de 30 % du prix du 3HP, un traitement court de prévention de la tuberculose d’une durée de trois mois.
Maintenant que nous disposons de traitements meilleur marché et plus efficaces, le prochain obstacle à surmonter est de trouver les personnes atteintes de la tuberculose, afin de les traiter avant qu’elles n’infectent d’autres personnes. La plus grande disponibilité des outils avancés de diagnostic moléculaire et de radiographie numérique a un effet transformateur dans la détection des personnes souffrant de cette terrible maladie. Grâce à des accords conclus récemment entre le Fonds mondial, des partenaires de lutte contre la tuberculose, dont USAID et le Partenariat Halte à la tuberculose, ainsi que des fournisseurs clés de diagnostics, dont Molbio et Cepheid, il sera possible de réaliser des millions de tests de dépistage de la tuberculose supplémentaires. Par exemple, l’accord entre le Fonds mondial et Danaher, la société mère de Cepheid, pour la fourniture au prix coûtant de cartouches pour les tests moléculaires de la tuberculose a conduit à une réduction de 20 % du prix de ces cartouches.
Ces récentes baisses de prix, qui arrivent à un moment des plus opportuns, élargiront l’accès à des tests de diagnostic qui sauvent des vies et permettront de mettre encore plus de personnes sous traitement.
En outre, le Fonds mondial a récemment annoncé un partenariat avec Siemens Healthineers pour le déploiement d’outils d’intelligence artificielle permettant l’interprétation rapide et exacte de radiographies numériques. Pour l’avenir, le Fonds mondial collabore activement avec des partenaires comme l’OMS, UNITAID, Gavi, l’Alliance du Vaccin, le Partenariat Halte à la tuberculose et d’autres encore afin de préparer le déploiement d’un nouveau vaccin prometteur contre la tuberculose.
Les innovations et les investissements dans la lutte contre la tuberculose rapportent d’immenses dividendes pour la préparation aux pandémies et jettent les bases de la couverture sanitaire universelle. Les investissements des programmes de lutte contre la tuberculose dans les capacités de diagnostic moléculaire, les systèmes de surveillance des maladies, les schémas de traitement respiratoire, l’expertise en recherche de contacts et les mesures rigoureuses de prévention et de contrôle des infections ont joué un rôle vital dans la riposte au COVID-19 de nombreux pays, et continuent de jouer ce rôle pour protéger l’humanité contre les menaces sanitaires futures. En cherchant à atteindre les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables et à offrir un accès aux services de santé aux personnes les plus marginalisées, les programmes de lutte contre la tuberculose créent une plateforme pour une couverture sanitaire véritablement universelle.
Nous devons également reconnaître la dure réalité. Le monde a raté la plupart des cibles fixées lors de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur la lutte contre la tuberculose en 2018, et nous sommes toujours loin d’une trajectoire qui mettrait fin à la tuberculose d’ici 2030, qui est l’un des Objectifs de développement durable. À l’occasion de la dernière réunion de haut niveau des Nations Unies sur la lutte contre la tuberculose, tenue en septembre 2023, les leaders mondiaux ont réitéré leur engagement à mettre fin à cette maladie une fois pour toutes. Pour concrétiser cette promesse, nous devons agir dès maintenant et rectifier la trajectoire.
En intensifiant nos efforts de lutte contre la tuberculose, en améliorant l’accès à la prévention, au dépistage et aux soins, et en tirant pleinement parti des dernières innovations et baisses de prix, non seulement sauverons-nous des millions de vies et mettrons-nous fin à l’une des maladies les plus meurtrières que l’humanité ait connues, mais nous bâtirons un monde plus résilient face aux pandémies et accélérerons le progrès vers l’atteinte de la couverture sanitaire universelle. L’investissement dans la lutte contre la tuberculose fonctionne, et il produit un impact extraordinaire. Une fenêtre vient de s’ouvrir. Ne ratons pas cette occasion.
Cet article d’opinion a été publié pour la première fois dans Forbes.