Alors que la crise climatique s’intensifie, il devient impératif de mettre en place des systèmes de santé résilients

17 novembre 2023 par l’honorable Khumbize Kandodo Chiponda, députée, et ministre de la Santé du Malawi

Plus tôt dans l’année, les pluies torrentielles du cyclone Freddy ont déclenché une inondation au Malawi coûtant la vie à plus de 1 000 personnes et bouleversant les moyens de subsistance de millions d’autres. Les inondations ont emporté sur leur passage une quantité considérable de données sanitaires et de fournitures médicales essentielles. Médicaments, équipements, infrastructures sanitaires, moustiquaires, médicaments antirétroviraux, contraceptifs, médicaments contre la tuberculose et bien d'autres articles ont été balayés, laissant de nombreuses personnes exposées à des risques de santé publique et aux maladies.

Tandis que le monde se prépare pour la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques 2023 (COP28), au Malawi, le combat continue pour nous remettre des effets dévastateurs de ce cyclone sur l'ensemble de notre système de santé et de nos prestations de services de santé.

Parmi toutes les tragédies individuelles et collectives que les Malawiens ont vécues à la suite du passage du cyclone Freddy, une en particulier m’empêche de dormir la nuit. Le système de santé malawien, à l’instar de nombreux autres en Afrique, stocke les données de santé des patients dans des passeports de santé : des carnets qui retracent soigneusement l’histoire de santé des patients, leurs maladies, leurs traitements, mais aussi les défis de santé auxquels ils ont dû faire face et leurs victoires. Lorsque les inondations ont ravagé les villages dans le sud du pays, elles ont emporté avec elles la plupart de ces carnets, ainsi que d'autres produits de santé essentiels, qui renfermaient de nombreuses données de santé de nos citoyens.

Il est vite devenu évident que nous avions un défi de taille à relever. Lorsque des patients sous traitement à long terme pour des maladies telles que le VIH et la tuberculose arrivaient dans un établissement de santé, le personnel médical posait des questions sur les médicaments qu'ils prenaient. Certains patients, ne connaissant pas le nom de leurs médicaments, ne pouvaient souvent qu’en indiquer la couleur. « Les blancs », répondaient certains d’entre eux, laissant perplexes les médecins et autres professionnels de santé qui se demandaient comment et avec quels médicaments ils pourraient aider les patients à reprendre leur traitement.

Face à ce problème, nous avons réalisé combien il est impératif et urgent de numériser les données de santé de notre pays. Un des avantages de cette numérisation est qu’elle permettra aux patients de continuer le traitement adéquat si un autre cyclone les oblige à quitter leur quartier. Un second est que la grande quantité d'informations que ces dossiers médicaux représentent nous aidera à établir des tendances et à développer des connaissances. Nous pourrons ainsi améliorer nos prestations de santé, ainsi que l'efficacité et la qualité des soins que nous prodiguons, tout en nous préparant mieux aux futures flambées épidémiques.

Cette catastrophe a également mis en lumière les défis que représente le changement climatique pour les systèmes de santé. Le changement climatique engendre un certain nombre d’impacts spécifiques sur la santé auxquels nous devons faire face, parmi lesquels l'augmentation des événements météorologiques dévastateurs comme le cyclone Freddy et les tendances changeantes des maladies à transmission vectorielle comme le paludisme, des maladies à transmission hydrique comme le choléra, ou encore des maladies liées aux mauvaises conditions d’hygiène, causées par un manque d’approvisionnement en eau saine, comme la schistosomiase ou la gale, pour n'en citer que quelques-unes. Mais nous devons également redoubler nos efforts pour bâtir des systèmes de santé résilients face au climat.

Ce que le cyclone Freddy nous a montré, c'est l'urgence avec laquelle nous devons agir. Le monde doit se souvenir qu'au Malawi, tout comme dans d’autres pays à revenu faible ou intermédiaire, nous sommes les premiers touchés par le changement climatique. Et les impacts sont nombreux : maladies, infestations, blessures et décès liés à des événements tels que les pics de choléra faisant suite à des conditions météorologiques extrêmes, comme les cyclones. Pire encore, nos programmes de prévention et de traitement sont confrontés à des complications à long terme en raison de la perte de fournitures médicales, d’équipements, de médicaments et d'infrastructures sanitaires essentielles.

Alors que le monde se réunit fin novembre à Dubaï pour la COP28, nous devons saisir l’occasion de la première Journée de la Santé de la conférence sur le climat pour promouvoir le caractère essentiel de la santé dans la riposte au changement climatique. La communauté africaine de la santé exige que la santé soit au cœur du programme de délibérations sur le changement climatique. Nous devons atténuer nos émissions de gaz à effet de serre afin de rester en deçà du seuil de 2 degrés et de toutes les conséquences dévastatrices qu’il implique. Mais cela prendra du temps, même si nous agissons avec toute l'urgence nécessaire. Les communautés les plus touchées par le changement climatique sont également celles qui y contribuent le moins. Et pourtant, leur existence est menacée par les catastrophes climatiques qui en découlent. Les conséquences sur les systèmes de santé sont dévastatrices : des infrastructures sont endommagées, la gestion de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène est défaillante, l’efficacité des traitements est en chute libre pour les principales maladies infectieuses comme le VIH et la tuberculose en raison d'une mauvaise alimentation, et les décès liés à des maladies telles que le paludisme et le choléra sont en hausse.

Nous devons adapter notre système de santé publique face au changement climatique. Nous devons garder le cap sur notre lutte contre l'aggravation des schémas de maladie et continuer à mettre en place des systèmes résistants et pérennes pour la santé. C’est ainsi que nous générerons une marée montante qui soulèvera tous les navires, que ce soit pour les aider à traverser les cyclones, ou à préparer la lutte contre la prochaine pandémie. Notre priorité consistera à récupérer tous les passeports sanitaires et autres données sanitaires du pays qui n’ont pas été emportés par les inondations et à les convertir en données numériques. Nous devrons ensuite sensibiliser la communauté aux impacts du changement climatique sur la santé par le biais de rapports sanitaires sur les phénomènes météorologiques extrêmes. Enfin, nous devrons renforcer les capacités des agentes et agents de santé en lien avec l’axe santé – changement climatique et définir des plans d’urgence pour assurer la préparation, la riposte et le rétablissement en cas d’urgence sanitaire.

Cet article d’opinion a été publié pour la première fois dans Newsweek.

Photo : le centre de santé communautaire Nchalo Hunger au Malawi a été fermé pour une durée indéterminée à cause des inondations provoquées par le cyclone Freddy.
© UNICEF/UN0803549/Malawi