Dans notre monde, on oublie souvent le bien-être des moins puissants et des moins privilégiés, à commencer par les enfants. Les enfants ne peuvent défendre seuls leurs intérêts. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le monde n’a pas fait le nécessaire pour mettre fin à la mortalité évitable chez cette population vulnérable. Plus de la moitié de cette mortalité est causée par des maladies qui auraient pu être facilement évitées ou traitées, si seulement les enfants avaient eu un accès adéquat à des soins de santé et à une qualité de vie décente.
Prenons comme exemple la situation actuelle de la lutte contre le VIH dans le monde. Alors que nous disposons du savoir et des moyens pour mettre fin à l’épidémie de VIH, presque la moitié des enfants infectés par le VIH dans le monde – soit près de 700 000 d’entre eux – n’obtiennent pas le traitement qui leur permettra de vivre longtemps et en bonne santé. Cela est inacceptable. Les personnes que l’on dit « laissées pour compte » dans la lutte contre le VIH, ce sont ces enfants. À cause de lacunes dans le diagnostic précoce, de retards dans la mise sous traitement et du manque de schémas thérapeutiques adaptés aux enfants, des centaines de milliers d’enfants souffrent de maladies liées au sida. En 2022, 84 000 enfants ont été victimes de cette maladie évitable et curable.
Le temps est venu de libérer la prochaine génération du sida. Nous pouvons empêcher le VIH de tuer des enfants. Que nous échouions à y parvenir est indéfendable, et constitue une violation des droits humains les plus fondamentaux. Nous devons investir dans l’enfance et accélérer le déploiement de médicaments innovants pour la prévention et le traitement du VIH chez les enfants et les mères, où qu’ils soient. Et nous devons nous attaquer aux iniquités systémiques qui rendent les enfants plus vulnérables aux maladies mortelles.
Rien ne justifie qu’un enfant naisse avec le VIH en 2023. Nous devons agir plus rapidement pour que tous les enfants aient accès aux derniers schémas thérapeutiques antirétroviraux, à base de dolutégravir, qui obtiennent de meilleurs résultats cliniques, sont très bien tolérés et sont disponibles dans de nombreux pays sous forme de médicaments génériques bon marché. Nous devons augmenter les investissements dans les programmes de prévention afin d’éliminer la transmission verticale – c’est-à-dire la transmission de la mère à l’enfant – du VIH. De grands progrès ont été accomplis à l’échelle mondiale dans la mise sous traitement antirétroviral des femmes enceintes vivant avec le VIH. De 2010 à 2022, le taux d’accès au traitement chez les femmes enceintes et allaitantes vivant avec le VIH est passé de 48 % à 82 %. Cela signifie néanmoins que 18 % de ces femmes n’ont pas eu accès au traitement, ce qui correspond à environ 130 000 enfants de moins de cinq ans nouvellement infectés par le VIH, l’an dernier seulement. La moitié des nourrissons infectés par le virus mourront probablement avant leur deuxième anniversaire s’ils ne reçoivent aucun traitement.
L’expansion des services de dépistage du VIH et de conseil pour les femmes enceintes est la première étape de la prévention de la transmission verticale. La seconde est la prestation de traitements, de soins et de conseils de qualité aux femmes vivant avec le VIH et leurs nouveau-nés. Nous avons des exemples qui témoignent des immenses progrès qui peuvent être accomplis. Depuis que l’élimination de la transmission verticale du VIH a été confirmée à Cuba en 2015, plus d’une douzaine d’autres pays ont réalisé cet exploit. Cela prouve qu’il est possible de mettre fin au sida chez les enfants.
Et ce n’est pas tout. Il faut voir plus loin, et s’attaquer dès aujourd’hui à toutes les maladies qui tuent des enfants, et non seulement le VIH. Les maladies infectieuses comme la tuberculose, la pneumonie, la diarrhée et le paludisme, ainsi que les complications pendant la grossesse, demeurent les premières causes de décès chez les enfants de moins de cinq ans dans le monde.
Cette mortalité disparaîtra si nous investissons systématiquement dans les systèmes de santé et les interventions visant à améliorer les résultats de la prévention et du traitement pour les enfants et les familles. La communauté de la santé mondiale doit travailler à l’unisson pour s’assurer que tous les services de santé offrent un point d’entrée accessible aux enfants et que les nouveaux modèles de soins fonctionnent pour les enfants et leurs familles, où qu’ils vivent. Avant tout, nous devons promouvoir sans relâche un accès abordable aux outils innovants qui peuvent répondre aux besoins de tous les enfants et de toutes les mères.
Il est possible de bâtir un monde où chaque enfant est traité selon les standards les plus élevés en matière de santé. Le Fonds mondial et la Elizabeth Glaser Pediatric AIDS Foundation se sont engagés à réaliser cet objectif, et considèrent que l’élimination des nouvelles infections à VIH et de la mortalité liée au sida chez les enfants représente une étape à notre portée vers l’atteinte de cet objectif. Éliminer la mortalité liée au sida chez les enfants sauvera non seulement des dizaines de milliers de vies chaque année, mais tracera la voie vers un avenir où aucun enfant ne mourra d’une maladie évitable et curable. Alors, posons-nous la question : puisque nous avons les moyens de mettre un terme à tous ces décès évitables chez les enfants, pourquoi ne le ferions-nous pas ?
Cet article d’opinion a été publié pour la première fois dans Forbes.