La corrélation existant entre le climat et la propagation du paludisme est largement admise. Avec la hausse de la température mondiale, la menace posée par cette maladie historiquement meurtrière ne fera que de croître.
Nous entrevoyons déjà des signes de ce futur. En 2022, le Pakistan a connu sa pire flambée de paludisme en 50 ans, lorsque des pluies diluviennes causées par le changement climatique ont laissé derrière elles d’immenses flaques d’eau stagnante, créant ainsi les « conditions idéales » pour la reproduction des moustiques, et perturbé les systèmes de santé.
Pendant ce temps, Anopheles stephensi, une espèce de moustique envahissante originaire d’Asie du Sud et de la péninsule arabique, se propage rapidement à travers des pays africains.
Les outils de prévention habituels du paludisme sont moins efficaces contre cette espèce, qui se reproduit pendant la saison sèche et qui est résistante à de nombreux insecticides classiques.
Contrairement à la plupart des moustiques originaires d’Afrique, Anopheles stephensi se développe en milieu urbain, ce qui est d’autant plus préoccupant que le changement climatique entraîne des migrations urbaines, exposant un nombre croissant de personnes à l’infection.
Ce que l’on sait moins, c’est que les conflits actuels aggravent également la pandémie mondiale de paludisme, en forçant les déplacements massifs de populations et en perturbant les systèmes de santé.
Alors que le conflit post-coup d’État au Myanmar mine les services de santé et déplace des communautés entières, le paludisme fait un retour spectaculaire dans les États de Kayin et de Kayah, anéantissant des années de progrès.
Au Soudan, où des millions de personnes ont été déplacées à cause des conflits, les structures de santé de Médecins Sans Frontières ont signalé un taux impressionnant de positivité des tests du paludisme de 70 %.
Les personnes vulnérables sont touchées de manière disproportionnée, mais nous avons à notre disposition des stratégies et des outils pour relever ce défi, en particulier pour celles qui sont le plus négligées.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (le Fonds mondial) et le Programme des Nations Unies pour le développement (le PNUD) travaillent en étroite collaboration pour renforcer les systèmes de santé et les systèmes communautaires et créer des partenariats intersectoriels pour la lutte contre le paludisme.
L’expérience durement acquise nous montre que la lutte contre le paludisme, en particulier dans les régions touchées par des catastrophes naturelles et des conflits, nécessite des systèmes de santé et des systèmes communautaires solides, équipés de technologies numériques et bénéficiant d’un personnel qualifié.
Il nous faut également appuyer la collaboration entre les secteurs clés et, enfin, nous attaquer aux causes profondes qui permettent aux moustiques de se développer et qui rendent les groupes défavorisés plus vulnérables à la maladie.
Des services de santé numériques innovants peuvent surmonter les obstacles entravant l’accès, en particulier pour les populations difficiles à atteindre et les personnes vivant dans des zones de conflit.
En Afghanistan, les efforts de numérisation du programme national de lutte contre le paludisme ont permis aux prestataires de santé de stocker les données, même sans connexion à Internet, et de poursuivre le traitement en cas de coupure.
Le soutien et la formation des agentes et agents de santé communautaires pour l’identification, le diagnostic et le traitement du paludisme sont également essentiels, comme l’a démontré le Tchad, où le soutien de 950 agentes et agents de santé communautaires a permis de traiter plus de 211 000 personnes en 2022.
De tels efforts sont essentiels au renforcement des systèmes de santé et des systèmes communautaires pour la lutte contre le paludisme dans un contexte de chocs résultant du climat et des conflits.
Il est plus efficace de combattre des maladies comme le paludisme en travaillant ensemble, surtout au-delà des frontières. Les collaborations entre les pays et à l’intérieur d’un pays peuvent renforcer les interventions, menant à de meilleurs résultats de santé chez les personnes les plus touchées.
Un partenariat entre les gouvernements du Mozambique, de l’Afrique du Sud et de l’Eswatini, appuyé par une subvention de 24 millions de dollars US pour accélérer l’élimination du paludisme dans le sud-est de l’Afrique, a conduit à une diminution de 53 % des cas de paludisme dans certaines provinces de la région au cours des dernières années, tandis que quelque trois millions de personnes ont été protégées de la maladie, ce qui réduit considérablement la transmission transfrontalière.
Nous pouvons nous féliciter de nombreuses avancées concernant la protection des populations vulnérables contre le réchauffement climatique et ses impacts – mais il reste encore beaucoup à faire, surtout en matière de climat, et cela ne sera pas possible sans un financement suffisant.
Il est encourageant de constater que la Déclaration des Émirats arabes unis sur le climat et la santé de la COP28 a été adoptée par 123 pays et a donné lieu à des engagements d’un milliard de dollars US pour traiter de la relation entre le climat et la santé.
Pourtant, moins de 0,5 % du financement multilatéral pour le climat est actuellement alloué à la santé. Ce pourcentage doit augmenter afin que nous puissions atténuer les effets de la crise climatique et nous y adapter. Nous devons également reconnaître que les pays qui ont subi certains des impacts les plus violents de la crise climatique y ont le moins contribué.
Sans un effort concerté s’attaquant au changement climatique et assurant une prestation continue des soins de santé en période de crises et de conflits, le paludisme continuera de se propager dans de nouvelles régions.
Nous devons nous assurer que les pays peuvent atteindre leurs cibles en matière de climat tout en redoublant d’efforts pour éradiquer la maladie à l’échelle mondiale, avec comme fer de lance le renforcement des systèmes de santé et des systèmes communautaires pour regagner le terrain perdu contre la maladie.
Si nous agissons maintenant, nous pouvons mettre fin au paludisme en tant que menace pour la santé publique et nous assurer qu’aucune personne, communauté ou nation ne sera laissée pour compte.
Cet article d’opinion a été publié pour la première fois dans The Telegraph.