Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère de progrès remarquables dans la lutte contre la tuberculose. Si la communauté internationale profite de l’impulsion donnée à la lutte contre la tuberculose ces deux dernières années, nous pouvons faire de ce moment le début de la fin d’une maladie ancestrale.
Il y a plus de 25 ans, je travaillais en tant que clinicien dans un hôpital de l’ouest de la Tanzanie. J’ai vu de près les ravages de cette maladie, qui tuait des milliers de personnes chaque jour dans le monde – dont certaines étaient mes patientes et patients.
À l’époque, rien ne semblait pouvoir arrêter la tuberculose. Combinée au VIH, la maladie s’est propagée comme une traînée de poudre. Dans des pays comme la Tanzanie, le paludisme était un autre tueur redoutable. En 2001, ces maladies ont fait à elles trois plus de six millions de victimes dans le monde entier. Si cette situation effroyable n’était pas maîtrisée, certaines sociétés risquaient de s’effondrer en raison de la désintégration sociale et de l’instabilité politique.
Puis, grâce au militantisme politique au niveau local parmi les personnes touchées par les trois maladies, le monde s’est réuni pour former des partenariats dans le domaine de la santé comme le Fonds mondial, l’organisation pour laquelle je travaille aujourd’hui. Dirigés par les pays, ces partenariats se sont dressés contre des maladies infectieuses tenaces comme la tuberculose, avec pour mission immédiate de sauver des vies. Et dans les premières années de cette lutte, nous avons fait des progrès considérables à ce niveau – en stoppant la propagation des trois maladies et en les faisant battre en retraite.
Mais ensuite, les progrès ont ralenti pour les trois maladies, en particulier la tuberculose. Et lorsque la pandémie de COVID-19 nous a frappés, l’impact que nous arrivions à obtenir dans la lutte contre la tuberculose à travers le monde a nettement diminué. Nous étions une fois de plus sur la touche, peinant à recouvrer nos gains.
Aujourd’hui, après deux années de recul en raison des perturbations liées au COVID-19 et d’efforts déployés pour atténuer leurs répercussions, les programmes de lutte contre la tuberculose du monde entier enregistrent des reprises spectaculaires. Des modèles innovants pour trouver les personnes atteintes de la tuberculose manquant à l’appel, notamment la décentralisation au niveau communautaire et la participation du secteur privé, l’introduction de nouveaux outils comme la technologie numérique et l’intelligence artificielle pour le diagnostic de la tuberculose et la transition vers un schéma thérapeutique entièrement oral pour la tuberculose pharmacorésistante, ont contribué à ces reprises.
Le nombre de nouveaux diagnostics de la tuberculose s’élevait à 7,5 millions en 2022. Cela signifie qu’un plus grand nombre de personnes qui passaient auparavant entre les mailles des filets des programmes de lutte contre la maladie, et qui n’étaient pas diagnostiquées ni traitées ni signalées, sont aujourd’hui prises en charge. La couverture du traitement antituberculeux est passée à 70 % en 2022, contre 62 % en 2021. Les taux de succès thérapeutique se sont également améliorés, atteignant 88 % pour les personnes traitées pour une tuberculose pharmacosensible ordinaire, dépassant ainsi les 86 % atteints en 2019. Les chiffres préliminaires pour 2023 sont encore plus prometteurs.
Et nous ne nous arrêterons pas là. Avec de nouvelles approches pour trouver plus de personnes atteintes de la tuberculose manquant à l’appel, des outils innovants comme les schémas thérapeutiques de courte durée, ainsi qu’un traitement préventif et un vaccin à l’horizon, les progrès sont palpables. Par ailleurs, à la suite de deux réunions de haut niveau aux Nations Unies, en 2018 et en 2023, nous sommes témoins d’un engagement politique renouvelé dans la lutte contre la tuberculose. Une déclaration politique, issue de ces deux réunions, réaffirme non seulement les cibles et les engagements existants, mais en fixe de nouveaux pour la période 2023-2027. À mesure que nous accélérons les progrès de la lutte contre la tuberculose, nous gagnons peu à peu cette bataille contre la maladie. Pour citer le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé : « Nous avons une occasion qu’aucune autre génération n’a eue avant nous : celle d’écrire le dernier chapitre de l’histoire de la tuberculose. »
Oui ! Nous pouvons véritablement mettre fin à la tuberculose en tant que menace pour la santé publique. Mais pour y parvenir, il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir. En 2022, la tuberculose demeurait la deuxième cause de mortalité imputable à un agent infectieux unique, après le COVID-19. Alors que le COVID-19 est sur le déclin, la tuberculose regagnera probablement la première place. Les cibles mondiales de la lutte contre la tuberculose n’ont pas été atteintes ou ne sont toujours pas en voie de l’être. Mais avec l’élan renouvelé dont nous bénéficions présentement, nous pouvons surmonter ces défis.
Pour atteindre les cibles que nous nous sommes fixées dans la lutte contre la tuberculose, nous devons mettre les bouchées doubles et multiplier les investissements, afin d’améliorer l’accès à la prévention, au dépistage et au traitement de la maladie. Nous devons tirer pleinement parti des dernières innovations et bâtir dans le même temps un monde plus résilient face aux pandémies. Profitons de cette nouvelle vague de progrès pour mettre fin à la tuberculose, une fois pour toutes.