Pour mettre fin au sida, nous devons relancer notre indéfectible poursuite de l’équité

18 avril 2024 par Bience Gawanas, vice-présidente du Conseil d’administration du Fonds mondial

Chaque étape que nous franchissons aujourd’hui dans la lutte contre le VIH est laborieuse – nous devons redoubler d’efforts pour avancer. Dans les premières années de la lutte contre ce virus, nos victoires ont souvent été rapides et colossales, car partout où l’on regardait, les besoins étaient considérables. C’était une époque dévastatrice : en 2000, la maladie a tué 3 millions de personnes, dont plus de 2,4 millions en Afrique. À l’extrémité sud du continent, là d’où je viens, la maladie menaçait de déchirer le tissu social.

Les partenariats mondiaux comme celui du Fonds mondial et du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR) ont émergé pour s’élever contre l’injustice selon laquelle seuls les riches pouvaient bénéficier d’un traitement contre le VIH. Dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, il s’agissait d’éviter la perte d’une génération, ainsi que des personnes stigmatisées et discriminées parce qu’elles étaient considérées comme « différentes ».

Je suis fière de pouvoir dire que les choses ont changé depuis cette époque. En 2000, moins de 50 000 personnes étaient sous traitement contre le VIH sur le continent africain. Aujourd’hui, ce chiffre dépasse les 20 millions. Les innovations en matière de prévention du VIH se sont multipliées, réduisant considérablement les infections. Pourtant, plus de 1,3 million de personnes ont été infectées par le virus en 2022.

Aujourd’hui, ces infections touchent principalement les personnes les plus marginalisées : les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les personnes qui consomment des drogues injectables, les femmes transgenres et les travailleuses et travailleurs du sexe. En outre, leurs voix sont de plus en plus réduites au silence et ces populations sont constamment sous la menace de violences et d’abus, alors que partout dans le monde déferlent les législations discriminatoires à l’encontre des personnes LGBTI. Dans ces groupes, les jeunes âgés de 15 à 24 ans portent un fardeau du VIH disproportionné et sont encore plus vulnérables, car ils sont confrontés à des obstacles plus importants pour accéder aux services de santé.

La lutte contre le VIH n’est plus un défi scientifique, mais un défi d’équité. Pour une fois de plus accélérer les progrès, nous devons retrouver ce vif esprit d’équité qui nous animait il y a vingt ans. Cela signifie qu’il faut nous concentrer sur les communautés les plus touchées par le VIH. En Afrique, nous devons impérativement axer nos efforts sur les adolescentes et les adolescents, et ce, dès maintenant.

District de Karongi, Rwanda. Des adolescentes jouent dans la cour d'un pensionnat. Les filles qui restent à l'école courent beaucoup moins de risques de contracter le VIH. Photo: Le Fonds mondial/Vincent Becker

Bien que l’incidence du VIH chez les adolescentes et les jeunes femmes ait considérablement diminué ces dix dernières années, 4 000 filles et jeunes femmes sont encore infectées par le VIH chaque semaine dans le monde, principalement en Afrique subsaharienne. C’est inacceptable. Ce groupe continue de souffrir des conditions les plus inéquitables de toutes, avec des injustices structurelles qui les prédisposent aux maladies.

Si nous voulons prévenir les infections à VIH au sein de cette population, nous devons réunir divers partenaires pour investir dans des efforts à long terme visant à ce que les filles continuent d’aller à l’école. L’éducation transforme les filles en femmes, ce qui leur permet de bénéficier d’une plus grande égalité des chances et les protège de maladies comme le VIH. Chez les filles éduquées, les taux de grossesses à l’adolescence, de violences sexuelles, de mariages précoces et, en fin de compte, d’infections à VIH sont plus faibles. Nous devons également accélérer les investissements dans des programmes complets en faveur des droits en matière de santé sexuelle et reproductive, en particulier pour les adolescentes et les jeunes femmes.

Nous devons aussi veiller à ce que ces dernières soient au cœur des projets qui cherchent à les impliquer. Ce sont là quelques-uns des objectifs que le partenariat du Fonds mondial s’efforce d’atteindre avec des projets tels que Voix EssentiELLES et le fonds HER Voice, qui s’efforcent d’impliquer de manière significative les filles et les jeunes femmes dans les programmes de santé clés et les forums de prise de décision au sein de leurs communautés.

Pour mettre fin aux infections à VIH chez les filles et les jeunes femmes, nous devons également réduire les infections chez leurs partenaires sexuels. Il faut donc investir dans des initiatives visant à transformer les normes culturelles et sociales qui prédisposent les garçons et les hommes au VIH et qui façonnent la qualité de leur engagement auprès des filles et des femmes dans leurs communautés. Cela implique aussi que les hommes présentant un risque élevé d’infection à VIH soient testés et accompagnés pour démarrer et poursuivre un traitement. Protéger les garçons et les hommes hétérosexuels du VIH peut également contribuer à protéger les filles et les femmes de ce virus.

Alors que les praticiens de la lutte contre le VIH se réunissent en avril à l’occasion de la conférence AFRAVIH à Yaoundé, au Cameroun, puis cet été à la 25e Conférence internationale sur le sida à Munich, en Allemagne, nous devons nous attacher à promouvoir l’équité dans la lutte contre le VIH en nous concentrant sans relâche sur les groupes qui continuent de subir, de façon disproportionnée, les infections à VIH.

Nous savons comment y parvenir. Nous l’avons fait à l’aube du millénaire par notre volonté d’imposer l’équité dans le traitement du VIH. Allons maintenant de l’avant et mettons fin à ce combat inachevé en réduisant les infections à VIH au sein des communautés les plus touchées. Pour y parvenir, nous pouvons nous inspirer des objectifs et de l’ardeur dont nous avons fait preuve durant ces belles années de progrès dans la lutte contre le VIH.

Cet article d’opinion a été publié pour la première fois sur Health Policy Watch.