À l’occasion du mois des fiertés, Richard Lusimbo, de l’Uganda Key Populations Consortium, s’exprime sur la loi ougandaise contre l’homosexualité et sur la nécessité de rassembler les communautés pour riposter ensemble.
Cela fait près de vingt ans que je suis témoin de la brutalité et de la stigmatisation sans fin subies par les populations clés, pas seulement en Ouganda, mais dans toute la communauté noire à travers le monde.
Depuis trop longtemps, les personnes LGBTQI+ en Ouganda et sur l’ensemble du continent africain sont victimes de discrimination, d’exclusion sociale et de poursuites judiciaires, ce qui réduit notamment leurs chances de trouver un travail et leur accès aux soins de santé.
Un mélange de préjugés et de lois néfastes, dont la loi ougandaise de 2023 contre l’homosexualité, a poussé la communauté LGBTQI+ dans la clandestinité.
Aujourd’hui, en Ouganda, les personnes LGBTQI+ sont moins susceptibles de recourir à des services nécessaires et vitaux tels que la prévention et le traitement du VIH. Les personnes qui consomment des drogues se voient régulièrement refuser les traitements indispensables de réduction des dommages. Les travailleuses et travailleurs du sexe sont bien souvent la cible d’agressions et d’extorsions de la part de leur clientèle et de la police.
Sur l’ensemble du continent, les communautés marginalisées sont confrontées à des formes croisées de discrimination fondées sur la classe socioéconomique, l’identité de genre et l’orientation sexuelle.
C’est ainsi que s’enclenche le cercle infernal de la pauvreté et de la marginalisation, que les iniquités en matière de santé augmentent et que le VIH et les autres maladies se propagent, le tout au détriment de la santé mentale et du bien-être en général.
Nous avons fondé l’Uganda Key Populations Consortium (UKPC) en 2018 pour mettre un terme à tout ça, contester les lois draconiennes comme celle contre l’homosexualité et plaider en faveur de l’équité et de l’égalité pour les populations clés.
À l’époque, beaucoup d’entre nous n’avaient pas de foyer – un lieu où nous aurions pu nous retrouver et affirmer : voici ce dont nous avons besoin, en tant que communauté, et voici ce que nous défendons.
L’UKPC rassemble les personnes LGBTQI+ et les personnes d’autres populations clés pour qu’elles s’expriment, apprennent ensemble et bâtissent une communauté. Nous travaillons avec des partenaires pour établir des lieux sûrs – des centres de consultation sans rendez-vous – à travers le pays, où les membres de notre communauté peuvent se rencontrer, avoir accès aux services de santé et faire entendre leur voix.
En grande partie grâce à ces centres de consultation, nous avons pu constater une forte augmentation du nombre de personnes commençant un traitement antirétroviral, ayant recours aux trousses d’autodépistage du VIH et prenant des mesures pour prévenir les infections sexuellement transmissibles.
Nous établissons également de solides relations avec la société civile, les organisations non gouvernementales et les partenaires des gouvernements qui nous soutiennent, nous et notre travail, pour servir notre communauté, en dépit des défis constants.
Aujourd’hui, l’ensemble de notre travail est menacé.
La loi contre l’homosexualité encourage la violence et la discrimination à l’encontre de ma communauté. Un récent rapport dépeint un sombre tableau : depuis que la loi contre l’homosexualité est passée, les membres de la communauté LGBTQI+ d’Ouganda ont été victimes de 434 expulsions, 309 actes de violence, 92 cas de détresse mentale et 69 arrestations.
La loi menace également les personnes qui soutiennent la communauté LGBTQI+ et celles qui fournissent ou recherchent des services de santé de base.
Les organisations communautaires ont fermé des dizaines de centres de consultation, rompant ainsi le lien essentiel entre les personnes et leurs pairs – sans parler des soins de santé mentale et physique fondamentaux. Nous avons réaffecté des fonds plus que nécessaires pour rendre nos bureaux et nos lieux de rencontre sûrs et sécurisés. Si nous contactons les personnes en ligne, nous n’avons aucune garantie quant à leur sécurité, ni quant à la protection de leurs données et de leur identité.
Malgré tout : nous ripostons. Je riposte. Notre communauté riposte.
Changer le statu quo nécessitera plus de travail et de soutien. Nous avons besoin de partenaires comme le Fonds mondial et son initiative « Lever les obstacles », parce que ces programmes permettent aux communautés de prendre les devants et de faire entendre leur voix. Ils nous offrent également une plateforme d’action collective, pour continuer à œuvrer contre la violence et la haine qui, certains jours, semblent inéluctables.
Si les communautés s’unissent, il est possible de faire changer les choses.
Le mois des fiertés est une occasion de célébrer – mais aussi de protester. Chaque mois de juin, je prends un moment pour fermer les yeux et me concentrer sur moi-même, pour m’honorer et honorer la communauté qui m’a fait naître. Pour penser à ce que nous avons accompli, et au travail qu’il nous reste encore à faire. Cette année ne déroge pas à la règle.
Nous sommes fiers de ce que nous sommes. Aucune loi ne peut nous l’enlever.
Richard Lusimbo est le fondateur et le directeur général de l’Uganda Key Populations Consortium, ainsi qu’un activiste LGBTQI+ de longue date pour les droits humains et le droit à la santé. L’UKPC est un partenaire de l’initiative « Lever les obstacles » du Fonds mondial, qui a pour but de réduire les obstacles liés aux droits humains qui entravent l’accès aux services de santé.
Cet article d’opinion a été publié pour la première fois dans Washington Blade.