« Demain peut être différent. »

21 septembre 2018

Dalal Mohammad a le regard à la fois sombre et chaleureux, planté au milieu d’un visage allongé encadré d’un foulard bleu marine. Les innombrables choses qu’elle a vues ont creusé les rides autour de ses yeux. Alors que son quartier en Syrie subissait les outrages de la guerre, la nourriture et l’eau se sont faites rares, avant de disparaître presque totalement. Ses voisins et ses amis sont partis. Avec son mari, ils ont dû admettre à contrecœur que leurs enfants pouvaient ne pas être sécurité et ils ont décidé de les emmener à un endroit moins exposé au feu des canons. Deux de ses filles étaient déjà parties en Jordanie avec leurs maris, mais Dalal hésitait à cause de sa troisième fille qui venait de se marier et dont la famille restait en Syrie. Pour Dalal, séparer les membres d’une famille était une forme de torture, mais c’était déjà une réalité contre laquelle elle ne pouvait rien.

Pas un jour ne passe sans que Dalal se répète les paroles de sa mère, morte à 50 ans quand elle-même n’en avait que 16. Elle lui parlait des vertus de la patience. « Tu dois attendre le bon moment. » « Tu en verras le bout. » « Ne force pas le destin. » « Demain peut être différent. » « Tout change, mais pas toujours quand tu le souhaites. » Ces paroles aident Dalal à faire face à l’inconnu.

Dalal toussait bien avant qu’un agent de santé du camp de réfugiés d’Azraq ne le remarque et ne planifie un dépistage dans une camion-dispensaire qui venait toutes les semaines. Le diagnostic est tombé pour Dalal : tuberculose. Elle a immédiatement entamé un traitement avec un suivi rigoureux et l’a achevé en six mois. Elle se sent plus forte. Elle sait qu’elle a vaincu une maladie qui a pris la vie à beaucoup d’autres personnes. « Je vois plus de couleurs », dit-elle. Pourtant, son avenir reste incertain. Elle a des frères en Turquie et en Jordanie. Un de ses fils est sur le point de se marier et elle envisage de célébrer cela dans la joie. Mais ce qu’elle souhaite le plus, c’est de pouvoir voir ses 12 petits-enfants autant que possible. Pourtant, il y en a deux qu’elle n’a pas encore vus, puisqu’ils sont avec sa fille restée en Syrie. Quand la reverra-t-elle ? Les yeux de Dalal s’emplissent de larmes quand elle répond : « Je ne sais pas ».