Reconquérir le VIH

03 juin 2019

La complicité qui unit Goodness Mbatha et sa fille Nqabile va bien au-delà du lien entre une mère et son enfant. Elles partagent une histoire exceptionnelle, qui fait écho aux avancées incroyables et aux formidables difficultés jalonnant la lutte contre le VIH en Afrique du Sud, où elles vivent. Adolescente, Goodness était une étudiante altruiste qui donnait souvent son sang pour aider les autres. Mais à 19 ans, elle a été violée. C’était horrible et les conséquences ont été pires encore. Lorsqu’elle a redonné son sang dans un centre de prélèvement, un professionnel lui a dit qu’il était désormais inutilisable, parce qu’elle était infectée par le VIH. Quand elle a vu un médecin, elle a également appris qu’elle était enceinte après son agression sexuelle. Cette nouvelle l’a dévastée.

« On m’a dit qu’il me restait trois ans à vivre », explique Goodness. « J’avais l’impression que c’était la fin du monde. Je me sentais vidée de toute substance. »

C’était en 1998, et la nouvelle d’une infection par le VIH était une condamnation à mort. En Afrique du Sud comme dans beaucoup d’autres pays africains, l’accès aux médicaments anti-VIH était très limité. Le traitement contre le virus coûtait plus de 10 000 dollars US par an et les dirigeants d’Afrique du Sud en rejetaient les aspects scientifiques et laissaient les gens mourir. Rien ne semblait pouvoir arrêter le sida. Goodness n’avait aucun espoir ni pour elle-même, ni pour son enfant à naître.

Elle a perdu cet enfant des suites d’une fausse couche, ce qui l’a affligée. Cette période de sa vie était particulièrement pénible, mais elle progressivement repris le dessus. Elle a fini par avoir un nouveau petit ami et, quand elle est tombée enceinte pour la deuxième fois, à 23 ans, elle y a vu un motif d’espoir. À cette époque, les militants sud-africains avaient poussé le gouvernement à agir et, avec l’appui d’organismes internationaux de financement, l’Afrique du Sud a commencé à fournir un traitement anti-VIH aux personnes qui en avaient besoin. Goodness a reçu un traitement pour ne pas transmettre le virus à son enfant et elle était déterminée à tout mettre en œuvre pour le protéger.

« Cet enfant venait combler un vide en moi », indique-t-elle. « Ma vie a commencé à changer. »

Sa fille est née en 2002 et n’était pas porteuse du VIH. Elle l’a prénommée Nqabile, ce qui signifie « conquérir », pour rappeler les difficultés qu’elles avaient surmontées. D’autres tests réalisés par la suite ont confirmé que l’enfant n’était pas infectée par le VIH. Elle a pourtant dû attendre que sa fille ait 18 mois pour réaliser le test qui confirmerait son statut sérologique.

« Je n’avais pas la force d’aller voir les médecins pour avoir les résultats, alors j’envoyais ma mère », explique Goodness. « À chaque fois, elle revenait avec de bonnes nouvelles. »

Aujourd’hui, Goodness élève une adolescente en bonne santé, pleine de vie et qui fait figure de leader dans sa propre école, où elle aide les autres à penser à leur santé et à se prémunir du VIH. À 16 ans, Nqabile et ses camarades, y compris celles et ceux qui sont nés sans le virus grâce aux programmes mis en place pour empêcher la transmission du VIH de la mère à l’enfant, courent à nouveau le risque d’en être infectés.

En Afrique subsaharienne, les adolescentes et les jeunes femmes sont en effet deux fois plus exposées à l’infection à VIH que les garçons du même âge, et cela peut monter jusqu’à six fois plus dans les pays les plus durement touchés. Rien qu’en Afrique du Sud, près de 200 jeunes femmes et filles sont infectées par le VIH chaque jour.

Goodness est résolue à soutenir une fois encore sa fille pour qu’elle ne contracte pas le virus. Pour elle, cela commence par donner à Nqabile les informations et les connaissances dont elle a besoin. C’est comme cela qu’un jour, Goodness lui a raconté comment elle avait été infectée par le VIH. C’était un récit plein d’émotion. « J’ai eu le sentiment de l’aimer encore plus », indique Nqabile.

Nqabile est heureuse que sa mère lui soit d’un grand soutien et fasse preuve d’ouverture avec elle en lui assurant une éducation à la sexualité et à la reproduction qu’elle n’a pas à l’école. Elle espère mettre sur pied un club où elle pourra partager avec d’autres jeunes filles de son école et d’ailleurs les connaissances qui lui viennent de sa mère.

« J’ai vraiment l’impression que c’est une bénédiction et une chance pour moi que maman me dise tout », ajoute Nqabile. « Pour beaucoup de filles, la communication ne passe pas bien avec leurs parents. »

Pour aider Nqabile et sa génération à vaincre une fois de plus le virus auquel beaucoup ont échappé pendant l’enfance, la communauté internationale doit accélérer le mouvement pour le combattre. Le partenariat du Fonds mondial investit dans des programmes qui remettent en cause les normes de genre nuisibles, la discrimination et la violence à l’encontre des femmes. Pour atteindre cet objectif, il est vital de pouvoir compter sur des mères comme Goodness. 

Plus important encore, les jeunes femmes et les filles ont besoin d’un soutien pour être à même de prendre en toute connaissance de cause les décisions qui touchent leur vie.

« Les filles veulent finir leur scolarité, réussir », déclare Nqabile. « Je veux réaliser les rêves qui sont restés inaccessibles pour ma maman. Je veux aussi ce qu’il y a de mieux pour les autres filles de mon âge. »