Au Cap, Nombasa Krune-Dumile a consacré sa vie à aider des patients atteints de tuberculose. Aujourd’hui, elle conseille des personnes atteintes de la forme pharmacosensible de la maladie dans la capitale sudafricaine. Selon elle, le COVID-19 a dévasté les systèmes de santé et bouleversé le cours habituel de ses activités.
Elle constate que « de nombreux hôpitaux sont submergés » et « de nombreuses personnes souffrent et meurent du COVID-19, mais également d’autres maladies ».
Nombasa est bien placée pour le savoir. Sa famille a été touchée de plein fouet par le VIH et la tuberculose, et récemment par le COVID-19.
Ce mois-ci, le nombre de personnes touchées par le COVID-19 a dépassé le seuil des 500 000 cas dans le pays, signe révélateur d’une maladie en pleine propagation sur le continent africain. Dans sa course folle, la pandémie ne laisse pas uniquement un sillage d’infections et de décès. Son empreinte marque également au fer rouge d’autres maladies qui ont touché des millions de personnes ces vingt dernières années.
Il y a un peu plus de dix ans, Nombasa et son époux Vuyisa Dumile ont contracté le VIH. Puis la tuberculose les a touchés tous les deux. Dans la lutte qui s’en est suivie, Nombasa a eu plus de chance. Après plusieurs mois de traitement, elle est venue à bout de la maladie dès la première fois. Son époux a été moins chanceux. La maladie est revenue à la charge, cette fois sous une forme pharmacosensible plus létale, dont il est sorti victorieux après plusieurs années de traitement seulement. Quand il s’est enfin relevé de cette période sombre de sa vie, il avait perdu un poumon et l’audition dans une oreille.
Ces dernières années, l’un et l’autre s’en sortaient plutôt bien. Ils travaillaient et suivaient un traitement antirétroviral contre le VIH. Jusqu’à l’émergence du COVID-19. Ils l’ont contracté tous les deux. Et quelque temps plus tard, leurs deux enfants sont tombés malades à leur tour.
Nombasa pense qu’elle a été touchée la première, probablement sur son lieu de travail où elle fournit à longueur de journée des traitements à des personnes tuberculeuses. Elle suppose qu’elle a ramené le virus chez elle et a infecté les autres membres de sa famille. Après plusieurs semaines de symptômes, tous ont vaincu la maladie, mais uniquement après que son époux a été hospitalisé une semaine dans un état critique.
Néanmoins, la joie de la famille à sa sortie de l’hôpital fut de courte durée. Peu de temps après, le père de Nombasa est tombé malade. Il est mort le 6 juillet, quelques jours à peine après avoir combattu sa maladie. Il n’a pas reçu de test du COVID-19, mais selon Nombasa, « il en présentait tous les symptômes habituels : fatigue, perte de l’appétit, forte fièvre et essoufflement ».
Son père est tombé malade dans la province du Cap-Oriental, d’où sa famille est originaire, et selon sa fille, il n’a pas reçu les soins dont il avait besoin. Nombasa ajoute que « là-bas, les centres de santé sont submergés et les habitants ne veulent pas aller à l’hôpital, où de nombreux malades meurent en attendant un traitement. Ils préfèrent mourir chez eux ».
En Afrique du Sud et dans d’autres pays africains, les décès dus au COVID-19 et à d’autres maladies se multiplient et les systèmes de santé sont submergés. Selon de récentes modélisations menées par l’ONUSIDA, l’OMS et le partenariat Halte à la tuberculose, les décès dus au VIH, à la tuberculose et au paludisme pourraient doubler au cours des douze prochains mois, du fait des répercussions de la pandémie de COVID-19, au risque d’anéantir des années de progrès. Une enquête bihebdomadaire du Fonds mondial indique que le nouveau coronavirus entraîne des perturbations généralisées des services liés aux trois maladies dans 106 des pays les plus vulnérables au monde. De fait, les agents de santé et les ressources sont réaffectés à la lutte contre cette nouvelle pandémie, des distributions de médicaments essentiels sont interrompues, et la peur et la stigmatisation dissuadent les patients de venir se faire soigner en centre de santé.
En collaboration avec les donateurs et ses partenaires, le Fonds mondial s’emploie à mobiliser en toute urgence 5 milliards de dollars US supplémentaires afin d’aider les pays à poursuivre la lutte contre le COVID-19, en atténuer l’impact sur le VIH, la tuberculose et le paludisme, renforcer les systèmes de santé et protéger les agents de santé comme Nombasa.
Les agents de santé de première ligne, qui ont la confiance de leurs communautés, jouent un rôle essentiel pour riposter au COVID-19 et éviter un recul catastrophique des avancées obtenues face aux autres maladies. Quelques semaines seulement après son propre combat contre le COVID-19, Nombasa était repartie au front pour aider des patients atteints de tuberculose. « Nous avons compris que les habitants restaient chez eux par peur du COVID-19, ils ne suivent plus leurs traitements. Aujourd’hui, nous allons à leur rencontre dans les communautés. »
Nombasa et sa famille ont déjà payé un lourd tribut. Elle souhaite transmettre un message urgent aux gouvernements et aux partenaires de la santé mondiale afin d’aider les agents de santé communautaires à faire leur travail. De ses propres mots, « les agents de santé ont besoin de formations et d’équipements de protection individuelle supplémentaires pour se protéger, eux et leurs familles. Et ce soutien, nous en avons besoin maintenant. »