Des kiosques temporaires pour prêter main-forte à la lutte contre la tuberculose au Kenya

29 juin 2023 par Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial

Lorsqu’il s’est arrêté, un jour d’août 2022, à un kiosque temporaire de dépistage de la tuberculose, Josphat Muoki, un père de quatre enfants vivant à Nairobi, au Kenya, a appris qu’il avait la maladie. Le kiosque était installé sur un pont piétonnier achalandé surplombant la gare centrale de Nairobi. Josphat, employé en approvisionnement pour une société d’ingénierie de la ville, empruntait souvent ce pont pour se rendre chez les fournisseurs de pièces de rechange.

À trois reprises, les agentes et agents de santé communautaires responsable du kiosque ont tenté de persuader Josphat d’effectuer le dépistage, mais il était toujours trop pressé. La quatrième fois cependant, il souffrait d’une toux, alors il a accepté.

Quelques secondes ont suffi. Josphat a répondu à quelques questions sur un écran tactile semblable à un mini distributeur automatique. Oui, il avait une toux persistante. Oui, souvent il avait chaud et transpirait la nuit. Sur un ruban de papier ressemblant à un reçu, la machine lui a indiqué qu’il avait peut-être la tuberculose et qu’il devait subir un test.

On lui a remis un masque et, accompagné d’un agent de santé communautaire, Josphat a retraversé le pont pour subir un test dans un laboratoire à proximité. Une heure plus tard, il avait son résultat : tuberculose. Son traitement a commencé la journée même.

D’une durée de six mois, le traitement ne fut pas une sinécure. Josphat est demeuré loin de sa famille pour éviter l’infection. Sa femme et ses enfants ont été testés dans le cadre du programme de recherche des contacts – tous ont obtenu un résultat négatif. Josphat n’a jamais cessé de travailler, portant un masque et se tenant à l’écart de ses collègues.

J’ai rencontré Josphat neuf mois après son diagnostic de tuberculose. Il avait terminé son traitement en mars, reçu un résultat de test négatif, recouvré la santé et retrouvé sa famille. Il est retourné au kiosque de dépistage pour remercier les agentes et agents de santé communautaires et pour sensibiliser les passants à l’importance du dépistage.

Les kiosques temporaires dotés de dispositifs de dépistage de type « distributeur » ne sont qu’un exemple parmi les nombreuses approches novatrices qu’emploient des partenaires comme SEMA Limited et Amref Health Africa pour détecter les personnes atteintes de la tuberculose au Kenya et ailleurs en Afrique. Leur installation en des lieux à fort achalandage piétonnier, comme le pont de Nairobi, est parfaitement adaptée à la réalité de la maladie, qui frappe de manière disproportionnée les hommes en âge de travailler. Cinq kiosques déployés à Nairobi ont déjà permis d’identifier 721 personnes atteintes de la tuberculose, qui ont été placées sous traitement et n’infecteront personne d’autre dans la ville.

Nairobi, Kenya. Nikita Laureen, bénévole de la santé communautaire, aide une patiente à utiliser un dispositif de dépistage de la tuberculose de type « distributeur », au centre de santé de Kibera. Photo: Le Fonds mondial/Brian Otieno

La recherche des personnes atteintes de la tuberculose demeure le plus grand défi de la lutte contre cette maladie séculaire, qui tue encore 1,6 million de personnes par année, des chiffres de mortalité comparables à ceux du COVID-19. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, et parmi les personnes en âge de travailler, la tuberculose est la maladie infectieuse la plus meurtrière, et de loin. Le Fonds mondial, qui fournit 76 % du financement international des programmes de lutte contre la tuberculose, collabore sans relâche avec ses partenaires pour mettre en place des approches novatrices, que ce soit des projets pilotes ou le déploiement de projets à grande échelle. En Inde, on utilise l’intelligence artificielle pour localiser les points chauds. Par le truchement du partenariat « Ending Workplace TB », nous avons approché des sociétés comme Anglo American, Perenco ou Kempinski Hotels pour les amener à mettre sur pied le dépistage et le diagnostic en milieu de travail. Cette initiative a touché 53 entreprises et plus de 4 millions d’employés à ce jour. Dans certains pays, comme le Timor-Leste ou la Tanzanie, nous utilisons des véhicules à quatre roues motrices et des appareils de radiographie ultraportables pour porter le dépistage et le diagnostic de la tuberculose jusque dans les villages reculés. Dans d’autres, comme le Nigéria et les Philippines, nous avons combiné le dépistage de la tuberculose avec celui du COVID-19.

La bonne nouvelle est que la tuberculose est une maladie guérissable. Le traitement dure plusieurs mois, et est plus complexe et coûteux s’il s’agit d’une variante pharmacorésistante de la maladie. Mais si les médicaments sont pris assidument, la guérison est complète. La mauvaise nouvelle est que, sans traitement, la tuberculose est plus mortelle que le COVID-19 (et beaucoup plus dans le cas des variantes pharmacorésistantes). De plus, il est hautement probable qu’une personne atteinte de tuberculose et non traitée infectera d’autres personnes. En fait, elle risque de contaminer jusqu’à 15 personnes en un an.

On comprend pourquoi les innovations permettant de détecter les personnes les plus à risque sont indissociables du succès de la lutte contre la tuberculose. L’expérience de Josphat illustre parfaitement les résultats concluants que l’on peut obtenir avec la mise en œuvre adéquate d’innovations relativement simples et peu coûteuses. S’il n’avait pas été traité, Josphat aurait probablement vu sa santé se détériorer progressivement, et il aurait fini par infecter des membres de sa famille ou des collègues. Il est maintenant en santé, réuni avec sa femme et ses enfants et de retour au travail.

Cet article d’opinion a été publié pour la première fois dans Forbes.