Pour que la tuberculose ne soit plus la pandémie oubliée

22 mars 2024 par Peter Sands, Directeur exécutif du Fonds mondial

La tuberculose est la « pandémie oubliée » depuis bien trop longtemps ; elle tue des millions de personnes, mais n’attire qu’une portion congrue de l’attention et des ressources consacrées au COVID-19, ou même au VIH. Pourtant, la lutte contre la tuberculose connaît aujourd’hui une dynamique remarquable. Dans de nombreux pays, les difficultés liées à la pandémie de COVID-19 sont désormais largement résolues. Les avancées en matière d’outils de prévention, de diagnostic et de traitement de la tuberculose, la baisse importante des tarifs de certaines interventions essentielles et la confiance découlant de résultats fiables suscitent un réel espoir de possibilités et de progrès.

Dans nombre de pays parmi les plus touchés par la tuberculose, nous constatons une détermination sans précédent à vaincre cette terrible maladie. Des chefs d’État et de gouvernement du monde entier font preuve d’un leadership politique et d’un engagement extraordinaires pour éradiquer la tuberculose.

Jamais autant de personnes porteuses de la tuberculose n’avaient été diagnostiquées et placées sous traitement vital. En 2022, 7,5 millions de nouveaux cas ont été identifiés (et les résultats préliminaires pour 2023 sont encore plus prometteurs). C’est le chiffre le plus élevé depuis 1995, début de la surveillance mondiale de la tuberculose par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Pourtant, chaque année, quelque 2,5 millions de personnes contractent la tuberculose et ne sont pas diagnostiquées ; non seulement elles souffrent (1,3 million de victimes en 2022), mais elles risquent également de propager l’infection. L’accroissement du diagnostic et du traitement est essentiel pour réduire la mortalité et le nombre de nouvelles contaminations.

En 2023, le Fonds mondial a obtenu une réduction de 20 % du prix du test de diagnostic moléculaire le plus utilisé et une réduction de 55 % du prix d’un traitement clé pour la tuberculose multirésistante. Compte tenu des énormes déficits de financement de la lutte contre la tuberculose (le Fonds mondial représentant plus de 75 % de l’ensemble des financements externes qui y sont alloués), ces réductions de coûts sont cruciales pour permettre aux pays de continuer à intensifier le dépistage et le traitement. Il en va de même pour le déploiement d’autres approches diagnostiques (la radiographie numérique notamment) et d’un plus large éventail d’options de traitement et de prévention. L’avenir est encourageant ; des signes indiquent en effet que se profilent enfin des vaccins plus efficaces, plus d’un siècle après la mise au point du vaccin BCG dont la protection est désormais très limitée.

Néanmoins, si les progrès contre la tuberculose nécessitent innovations médicales et ressources financières, celles-ci ne suffisent pas à elles seules. Pandémie des pauvres et des marginalisés, la tuberculose a trop souvent été oubliée. La combattre implique de s’attaquer aux profondes inégalités sociales qui augmentent la vulnérabilité à la maladie et entravent l’accès aux soins. Les personnes vivant dans des conditions de promiscuité, y compris dans des campements informels ou des camps de réfugiés, sont plus susceptibles de contracter la maladie. Les personnes sous-alimentées ou vivant dans des zones fortement polluées ont moins de chances d’y survivre.

Les stratégies probantes de lutte contre la tuberculose placent les personnes et les communautés les plus touchées au cœur de la riposte et affichent leur volonté d’affronter les inégalités qui alimentent la maladie.

Dans les pays les plus touchés par la tuberculose, nous observons un engagement sans précédent en faveur d’objectifs ambitieux pour en finir avec la maladie. L’Inde par exemple, dont la charge de morbidité est la plus élevée au monde (environ 27 % des cas mondiaux de tuberculose), vise l’éradication de la maladie d’ici 2025. Au cours de l’année 2022, le pays a traité 2,3 millions de personnes, contre 1,7 million cinq ans auparavant. Ces dernières années, l’Indonésie a, quant à elle, intensifié ses engagements en matière de ressources nationales au profit de son programme de lutte contre la tuberculose. Ainsi, elle a pu faire passer le nombre de personnes traitées de 339 000 en 2021 à 709 000 en 2022.

Les travailleuses et les travailleurs de proximité sont le pilier de la lutte contre la tuberculose au Nigéria. Photo: Le Fonds mondial/Andrew Esiebo/Panos

Le Nigéria est un autre exemple où le leadership politique et un plan solide et exhaustif donnent des résultats. Le nombre de personnes traitées pour la tuberculose au Nigéria a presque triplé au cours des cinq dernières années, passant de 105 000 en 2017 à 286 000 en 2022. Le pays développe une approche stratégique pour garantir l’équité et lutter contre la stigmatisation et la discrimination liées à la tuberculose (environ 25 % des patients atteints de la tuberculose ont fait part de stigmatisation dans les structures de santé et 50 % au sein de leur communauté). Grâce à des messages positifs et à l’engagement des dirigeants communautaires, éducateurs et chefs religieux, le gouvernement, de concert avec des acteurs communautaires et du secteur privé, cherche à créer un environnement plus propice et mieux informé, facilitant ainsi l’accès des personnes les plus à risque aux services de santé dont elles ont besoin.

Compte tenu des fortes contraintes budgétaires et des multiples priorités concurrentes en matière de santé, le niveau d’engagement politique pour mettre fin à la tuberculose auquel on assiste aujourd’hui, avec en tête certains des pays les plus touchés, est d’autant plus admirable. Pour autant, la lutte globale contre la tuberculose dépend encore fortement du soutien de partenariats mondiaux comme le Fonds mondial, le Partenariat Halte à la tuberculose et l’OMS, ainsi que de partenaires bilatéraux comme l’Agence des États-Unis pour le développement international.

L’heure est venue de passer à la vitesse supérieure, de tirer parti de la dynamique actuelle et d’accélérer les progrès. Il y a bien trop longtemps que la tuberculose est la « pandémie oubliée » ou la « pandémie des pauvres ». Aujourd’hui, nous pouvons en faire la « pandémie du passé ».