Les agentes et agents de santé communautaires sont souvent la meilleure et l’unique ressource pour les personnes vivant dans des zones rurales et reculées. Leur soutien contribue à des systèmes de santé robustes et résilients capables de dispenser des soins de santé vitaux à davantage de personnes.
Depuis 2020, le Fonds mondial a investi plus de 1,5 milliard de dollars US en faveur des agentes et agents de santé communautaires dans plus d’une centaine de pays, et investira 900 millions de plus au cours des trois prochaines années.
Nous discutons avec les agentes et agents de santé communautaires des difficultés et de l’impact de leur travail primordial.
Pourquoi avez-vous décidé de devenir agente de santé communautaire ?
J’avais 27 ans lorsque j’ai fait ce choix. Petite, j’étais tombée malade et avais échappé de peu à la mort. Cela avait beaucoup affecté ma famille. J’étais un peu plus âgée quand le chef de ma communauté a lancé une formation à la santé communautaire, et j’ai saisi l’occasion. Je me suis investie corps et âme.
Pour moi, c’est plus qu’un travail. C’est devenu une passion. Je me suis véritablement consacrée à éduquer les gens, pour les aider à comprendre que ces maladies peuvent les toucher, eux et leur famille, et leur faire du mal, et qu’ils peuvent se protéger.
Décrivez une journée de travail type.
Je suis agente de santé communautaire dans le district de Nkolbisson et je travaille pour la Fondation Shemka à Yaoundé, au Cameroun. Nous faisons du porte-à-porte pour prendre contact avec notre communauté. Nous constatons les problèmes auxquels elle est confrontée, puis nous organisons des causeries éducatives basées sur ce que nous avons découvert.
Par exemple, quand j’arrive dans une communauté et que j’entends que les enfants ne savent pas comment éviter le paludisme, je leur explique comment se protéger.
Mais nous n’intervenons pas que pour le paludisme. Nous sommes là pour le VIH, la tuberculose et d’autres types de soins. Nous aidons les mères qui veulent vacciner leurs enfants. Nous leur donnons des conseils sur l’allaitement au sein et la planification familiale. Nous leur apprenons à installer correctement une moustiquaire.
Et je fais aussi des visites à domicile. Celles-ci nous permettent de prendre contact avec les familles. Nous observons ce que les foyers traversent et nous sommes donc mieux placés pour les conseiller. Je ne donne pas des conseils au hasard.
Nous assurons également une surveillance épidémiologique, par exemple en suivant le nombre de cas de fièvre jaune, de choléra et de rougeole. Nos responsabilités sont vraiment très nombreuses.
Quel est votre rôle au sein de la communauté ?
J’interviens sur le terrain, pour sensibiliser la population. C’est clairement notre rôle en tant qu’agentes et agents de santé communautaires. Concernant le paludisme, par exemple, nous aidons les gens à comprendre que cette maladie est due à une piqûre de moustique qui entraîne de la fièvre et des douleurs. Nous les informons et nous essayons de préserver leur santé.
Les agentes et agents de santé communautaires doivent être à l’écoute de leurs patients. Nous devons être de bonne composition, faire preuve d’empathie et savoir comment nous mettre à la place de l’autre.
Ce n’est pas toujours facile. Il arrive que le premier contact avec une famille ne donne rien. Il faut essayer une deuxième fois, puis une troisième, jusqu’à ce que le foyer vous accepte. Puis, à ce stade, vous écoutez les gens. Vous vous mettez à leur place. Et à partir de là, vous êtes mieux à même de donner des conseils.
Je m’appuie aussi sur mes expériences personnelles et je parle aux gens de ce que j’ai vécu. Cela les aide à me faire confiance.
Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles vous êtes confrontée ?
Tout d’abord, nous couvrons de vastes zones, et parcourir de longues distances peut être difficile. En plus de cela, nous ne sommes pas suffisamment nombreux. Il arrive que notre rémunération soit versée avec retard, ou que nous ne soyons pas payés du tout. Les ruptures de stock sont aussi un gros problème – on nous demande parfois d’acheter les médicaments nous-mêmes.
Nous avons également besoin de visibilité et d’une reconnaissance juridique. Je suis vraiment exposée en tant qu’agente de santé communautaire, faute de contrat qui me protégerait. Je travaille donc dans l’incertitude.
Il est vraiment important que nous soyons payés et reconnus, avec une protection juridique, pour accomplir notre travail.
Au-delà de mon rôle d’agente de santé communautaire, j’essaie de porter haut et fort les intérêts de ma communauté. Je participe à des programmes comme la Voix de la Lutte d’Impact Santé Afrique, organisation que je souhaite remercier pour son soutien continu. Par l’intermédiaire d’Impact Santé Afrique, je veux atteindre celles et ceux qui ont le pouvoir de prendre des décisions.
Quels sont vos espoirs pour l’avenir ?
Les familles vulnérables de nos communautés ont vraiment besoin d’aide. Sans les agentes et agents de santé communautaires, quel avenir auront-elles ? Comment feront-elles ?
Un enfant de ma communauté est décédé. Nous avons expliqué à sa mère qu’il avait le paludisme, mais lorsqu’il a été transféré à l’hôpital pour y recevoir un traitement, il était trop tard. Cette situation m’a beaucoup affectée ; j’étais vraiment triste.
Mais il y a aussi des moments heureux. Il arrive que des enfants me reconnaissent dans la rue et m’identifient comme la tante venue s’occuper d’eux. Des mères me voient et m’interpellent : « depuis ta dernière visite, mon enfant a commencé à marcher », ou « mon enfant va faire des études ». Parce que nous ne parlons pas seulement de maladies, mais aussi d’humanité.
Ce qui fait du bien, ce qui me fait me rendre compte que nous avons un impact, c’est qu’à un moment donné, les gens commencent à changer. Ils passent à l’action ; ils changent de comportement.
Ils savent quoi faire quand un enfant est malade. Leur premier réflexe est de nous appeler.
Nous remercions chaleureusement Impact Santé Afrique.