Il y a vingt ans, il apparaissait illusoire de croire que l’on pouvait vaincre le VIH. La maladie ravageait des communautés dans le monde entier, prélevant un lourd tribut sur les vies et les sociétés. Depuis, nous avons extraordinairement cheminé et accompli des progrès remarquables en matière de prévention, de traitement et de sensibilisation. Au cours de la dernière décennie, l’incidence du VIH a diminué de 38 %. Moins de personnes ont contracté le VIH en 2023 qu’à aucun autre moment depuis la fin des années 1980. Il y a de quoi se réjouir. Mais le travail n’est pas terminé, et le moment est venu de faire le point sur la lutte contre le VIH.
La cible de l’objectif de développement durable n° 3, qui est de mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030, est à notre portée. L’atteindre est une véritable possibilité. C’est l’ultime effort avant le fil d’arrivée : il est temps de surmonter les derniers obstacles sur notre parcours et de déployer à grande échelle les solutions qui fonctionnent.
Quand on regarde de plus près les phénoménales avancées de la lutte contre le VIH, on constate que les progrès sont inégaux d’un pays et d’une région à l’autre et, surtout, que les acquis sont fragiles. Malgré tout le chemin parcouru, encore beaucoup trop de personnes tombent malades et meurent. L’an dernier, 630 000 personnes sont décédées d’une maladie liée au sida. Des enfants meurent. D’autres deviennent orphelins. L’immense souffrance que cause encore cette maladie est inacceptable.
Plusieurs facteurs retiennent notre élan : une certaine complaisance qui s’installe dans la riposte au VIH, un désengagement politique et financier et la faiblesse des systèmes de santé dans de nombreux pays – souvent accentuée par les impacts des conflits, du changement climatique et de l’endettement. À ces facteurs s’ajoutent la menace grandissante de la résistance aux antimicrobiens et d’importantes lacunes dans la riposte au VIH chez les enfants. Le recul des droits humains et de l’égalité des genres dans le monde entier, conjugué aux ennemis les plus tenaces de la lutte contre le VIH – l’iniquité, la stigmatisation et la discrimination –, rend des populations entières plus vulnérables à l’infection et leur interdit l’accès aux services de santé.
Nous avons des solutions. Nous disposons des connaissances et des outils nécessaires pour prévenir toutes les nouvelles infections à VIH et éviter tous les décès liés au sida. Nous savons que le respect des droits humains est absolument essentiel à la réussite de notre mission, et que des approches et des outils innovants peuvent catalyser un changement transformateur.
Les nouveaux outils de prévention du VIH sont remplis de promesses. L’anneau vaginal de dapivirine présente un énorme potentiel de réduction des infections à VIH. Il s’agit du premier moyen efficace de prévention du VIH contrôlé par la femme. Une alternative à la prise de comprimés de prophylaxie préexposition par voie orale, l’anneau de dapivirine est une méthode qui procure aux femmes plus d’autonomie et de discrétion en matière de prévention. D’autres innovations sont tout aussi prometteuses, à commencer par le lénacapavir, un médicament injectable à longue durée d’action qui pourrait changer la donne dans la réduction des nouvelles infections à VIH.
Mais il va de soi que ces innovations, à elles seules, ne suffiront pas si nous ne faisons pas le nécessaire pour qu’elles soient accessibles à toutes et tous, partout. Cela signifie d’abaisser leur prix, d’intensifier leur distribution dans les communautés et les lieux où les taux d’infection sont élevés, et de lever les obstacles structurels aux services de lutte contre le VIH.
Pour assurer un accès équitable à ces outils, il est essentiel de ramener le coût des produits de santé à des prix pouvant être absorbés par les systèmes de santé. Cette démarche, communément appelée « orientation des marchés », a permis d’abaisser le prix des traitements de première intention contre le VIH à 37 dollars US par an. Ces traitements coûtaient près de 10 000 dollars US il y a vingt ans.
Des approches innovantes sont également essentielles pour acheminer les outils et les services de soutien vitaux aux personnes les plus exposées au risque de VIH (comme les hommes homosexuels et les autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleuses et travailleurs du sexe, les personnes transgenres et de diverses identités de genre, les personnes qui consomment des drogues injectables et les personnes incarcérées) et à d’autres groupes vulnérables, comme les jeunes femmes et les filles, afin que ces personnes aient accès aux services de prévention et de traitement dont elles ont besoin.
Dans le même temps, il est essentiel que la riposte mondiale au VIH s’attaque aux iniquités dont sont victimes les personnes affectées par le virus ainsi que les professionnels de la santé, les éducatrices et éducateurs pour les pairs et les autres membres de la communauté qui en prennent soin. Il importe de rémunérer adéquatement les agentes et agents de santé communautaires et les éducatrices et éducateurs pour les pairs, et de protéger les personnes de la stigmatisation, de la discrimination, de la violence et de la criminalisation. Il est tout aussi important de donner aux personnes affectées par le VIH la possibilité d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour qu’elles puissent faire valoir leurs droits humains en lien avec la santé, et que les personnes qui dispensent les soins de santé et qui appliquent la loi soient formées à offrir aux personnes vulnérables au VIH des services de soutien efficaces.
Dans n’importe quelle course, quand on aperçoit le fil d’arrivée, on accélère. Nous sommes rendus à ce point dans la lutte contre le VIH. Nous devons absolument mettre toute notre énergie dans le sprint final. Il nous reste cinq ans pour combler les lacunes dans la riposte au VIH et atteindre la cible de l’ODD 3 : mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique. La combinaison de l’innovation et d’une riposte à la maladie fondée sur les droits est une formule gagnante. Elle nous permet d’accélérer le déploiement des meilleurs outils et de lever les obstacles qui empêchent ceux qui en ont besoin d’y accéder. Faisant écho au message qui synthétise le rapport 2024 de l’ONUSIDA, j’exhorte toutes les parties impliquées dans la riposte au VIH à suivre le chemin des droits. Non seulement est-ce le droit chemin, mais c’est le seul chemin qui mènera à l’élimination du sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030.
Cet article d’opinion a été publié pour la première fois dans Forbes.