En Inde, des camionnettes ultramodernes pour trouver les patients tuberculeux manquants

21 mars 2019

Chaque année, près de 10 millions de personnes développent une tuberculose, mais seules 6 millions d’entre elles sont identifiées. Les autres sont « manquantes » – non diagnostiquées, non traitées et non déclarées aux systèmes de santé. Les cas manquants de tuberculose et les formes de la maladie résistantes aux médicaments sont autant de difficultés au moment de la combattre et menacent la sécurité sanitaire mondiale.

Le partenariat du Fonds mondial est en train de déployer une technologie à la pointe du progrès pour trouver les patients tuberculeux manquants. En Inde, où l’épidémie est la plus importante au monde, c’est toute une flotte de camionnettes spécialement équipées qui amène des outils de diagnostic moléculaire dans les zones rurales et jusqu’aux populations les plus isolées dans le but d’améliorer la détection des cas et l’accès aux services de santé. Et cette initiative porte ses fruits.

Il y a peu, une de ces camionnettes est arrivée le matin dans une région agricole à une centaine de kilomètres à l’est de Mumbai. Sur ses flancs, on pouvait lire des messages accrocheurs : « Le dépistage de la tuberculose sur roues !!! Rapprocher le diagnostic de la population !!! »

Elle s’arrête sur le parking de l’hôpital local et les techniciens se mettent au travail : identifier les patients tuberculeux pour qu’ils puissent être mis sous traitement. Avec son intérieur climatisé et ses équipements à la pointe du progrès, la camionnette contraste avec les bâtiments vieillots de l’hôpital de Rajgurunagar.

À l’intérieur du véhicule trône une machine GeneXpert, dont la technologie moléculaire sophistiquée est plus précise et donne des résultats plus rapides que les méthodes classiques de diagnostic de la tuberculose, comme l’analyse par microscopie de frottis. Ainsi, à partir d’échantillons d’expectoration, la machine est capable de détecter l’ADN de la bactérie responsable de la tuberculose, ce qui permet d’administrer plus rapidement un traitement aux patients et réduit le risque de transmission. À Rajgurunagar, il fallait auparavant huit jours pour le patient ait les résultats des tests. Avec la camionnette, le délai a été ramené à quelques heures.

« La technologie est primordiale pour lutter contre la tuberculose », explique la docteure Geeta Kulkarni, médecin-cheffe de l’hôpital de Rajgurunagar. Elle indique que la déclaration des cas de tuberculose dans son district a progressé de 30 pour cent en un an grâce à l’utilisation des machines GeneXpert et d’autres outils destinés à améliorer la recherche, le diagnostic et le traitement de toutes les formes de tuberculose.

« La tuberculose résistante aux médicaments pose un gros problème en Inde, de sorte que pour faire face à la maladie, nous devons trouver les patients le plus tôt possible. C’est là qu’intervient la camionnette », poursuit la docteure Kulkarni, ajoutant que sur les 40 cas de tuberculose diagnostiqués dans la région chaque mois, deux à trois sont résistants aux antibiotiques.

D’aussi loin qu’elle s’en souvienne du haut de ses 75 ans, Kamal Kashid, a toujours toussé sans jamais en connaître la cause. Après être devenue trop faible pour continuer à travailler dans les champs d’oignons et de céréales de son village, elle été hospitalisée. La machine GeneXpert de la camionnette lui a diagnostiqué une tuberculose, ce qui a permis de la mettre immédiatement sous traitement.

La tuberculose, qui touche avant tout les personnes vivant dans la pauvreté et souffrant de malnutrition ou celles dont le système immunitaire est affaibli, est un véritable enjeu sanitaire en Inde. Chaque année, plus d’un million de personnes atteintes de tuberculose manquent à l’appel dans le pays, dont le Fonds mondial soutient l’objectif d’en finir avec la maladie d’ici 2025.

Le recours à la technologie est au cœur d’une initiative menée pour trouver et traiter 1,5 million de patients manquants de plus d’ici la fin de 2019. Cette action, mise en œuvre dans 13 pays, est soutenue par le Fonds mondial, l’OMS et le Partenariat Halte à la tuberculose.

Il ressort des premiers résultats que les six pays asiatiques (dont l’Inde) se taillent la part du lion dans les 930 000 nouvelles déclarations de tuberculose et sont proches de leurs ambitions dans ce domaine.

Tous ces pays s’appuient sur des démarches innovantes de recherche des cas, notamment des tests de diagnostic plus sensibles et la participation du secteur privé et des groupes communautaires.

En Inde, le Fonds mondial a financé l’acquisition de 1 173 machines GeneXpert qui sont utilisées dans des camionnettes ou des établissements de santé. Les camionnettes sont idéales pour aller au-devant des populations vulnérables, y compris les communautés tribales dépourvues d’équipements modernes, voire de tout centre de santé publique.

Rapprocher le diagnostic et le traitement peut faire toute la différence pour les patients tuberculeux. Incapables d’entreprendre de longs et pénibles déplacements vers les établissements de santé, beaucoup de patients ne se soignent pas, commencent à prendre des médicaments trop tard ou vont chez un médecin local qui peut ne pas être qualifié pour diagnostiquer et traiter la tuberculose – en particulier s’il s’agit d’une souche résistante aux médicaments. Lorsque les patients ne vont pas au bout de leur traitement, ils restent malades, propagent la maladie et donnent aux souches résistantes aux médicaments une chance de se développer.

Il y a un an, on a diagnostiqué à Kavita Shagul, qui a aujourd’hui 24 ans, une tuberculose qui a également frappé d’autres membres de sa famille. « J’ai dû arrêter de travailler dans un magasin de pièces de rechange pour moto », explique-t-elle. « Aujourd’hui, je suis en bonne santé et je cherche un nouvel emploi. »

Le docteur N. D. Deshmukh, haut fonctionnaire de la santé publique dans le district de Pune, explique que la science est essentielle pour en finir avec la tuberculose, mais que la technologie n’y parviendra pas à elle seule. Il faut également un soutien nutritionnel et des soins à l’ancienne. Les patients ont besoin de conseils, de motivation et, parfois, d’une oreille attentive.

« Les patients tuberculeux et leurs familles ont besoin d’un soutien humain », indique-t-il.