La résurgence du paludisme est un risque bien réel

25 avril 2019 par Scott Filler, chef de l’équipe chargée du paludisme

Cet article a été publié à l’origine dans le cadre de la campagne Fight Against Malaria de MediaPlanet.

Le paludisme a nettement reculé ces dernières années, mais la bataille est loin d’être gagnée. Or, faute d’investissements et d’engagement, la communauté internationale court le risque de voir ces progrès réduits à néant.

« Depuis les débuts du Fonds mondial en 2002, la mortalité et la morbidité liées au paludisme ont fortement diminué. Le nombre de cas a baissé et les taux de mortalité ont chuté d’environ 60 pour cent à l’échelle mondiale. Tout cela est très enthousiasmant, mais ces deux ou trois dernières années, nous avons atteint un point d’inflexion », explique Scott Filler, le chef de l’équipe du Fonds mondial chargée du paludisme. Les progrès ralentissent et, à certains endroits, le nombre de cas et de décès repart même à la hausse.

« On peut comparer le paludisme à un ressort comprimé. Vous pouvez le serrer très fort, mais si vous relâchez la pression – si la population augmente et n’a pas accès à la prévention ou si vous ne le traitez pas efficacement –, il repart immédiatement et revient très vite à ses taux de référence. Ça ne pardonne pas », ajoute Scott Filler.

Accélérons le mouvement contre le paludisme

Le financement international alloué au développement a cessé de croître, mais les populations ont continué d’augmenter, ce qui signifie que les dépenses par habitant ont diminué et qu’il faut davantage de moyens pour poursuivre le combat.

« Avec les niveaux de financement actuels, nous risquons de ne pas pouvoir préserver les progrès que nous avons accomplis et nous craignons que le nombre de cas et de décès continue d’augmenter », indique M. Filler. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé, la maîtrise du paludisme coûtera 6,5 milliards de dollars US à l’horizon 2020, contre 2,8 milliards en 2015 – une hausse qui ne s’explique pas uniquement par la croissance de la population mondiale.

Les moustiques deviennent résistants aux insecticides

Les moustiques vecteurs du paludisme développent une résistance aux insecticides dont sont imprégnées les moustiquaires. Les conflits humains et les catastrophes environnementales prélèvent également leur tribut. Ainsi, les troubles qui viennent de secouer le Venezuela ont provoqué un effondrement du système de soins de santé et le nombre de cas a grimpé en flèche. Comme l’indique M. Filler, « le pays était sur le point d’éliminer le paludisme et on compte maintenant un million de cas par an. Cela montre bien qu’un pays proche de l’élimination de la maladie peut revenir à une prévalence mortellement élevée en à peine deux ans. »

Lutte agressive, élimination et poursuite de la recherche et du développement

Les investissements du Fonds mondial alloués au paludisme concernent avant tout l’Afrique subsaharienne qui concentre 90 pour cent de l’ensemble des cas. Dans ces pays à forte charge de morbidité, la prévalence peut atteindre 40 à 50 pour cent et ce ne sont pas moins de 150 enfants sur 1000 qui meurent avant d’atteindre leur cinquième anniversaire. Pour M. Filler, le paludisme est intrinsèquement lié à la pauvreté, ce qui signifie que les régions les plus touchées n’ont pas les moyens d’y faire face seules.

« Nous concentrons le gros de nos ressources dans ces régions, mais nous travaillons aussi dans les pays moins touchés, de sorte que quand ils auront éliminé la maladie, nous pourrons allouer les ressources aux autres », explique-t-il, ajoutant l’organisation a travaillé avec des partenaires de recherche et de développement à des projets portant, par exemple, sur de nouveaux insecticides.

Au final, la raison d’être de la lutte contre le paludisme est de sauver des vies et d’améliorer la qualité de vie au sein de communautés dont l’avis n’est souvent pas entendu, poursuit-il. « Nous avons la ferme conviction qu’ôter le paludisme de l’équation du développement peut enclencher un cercle vertueux qui verra les pays s’extraire de la pauvreté et s’occuper de leurs propres programmes de santé. »