Journée mondiale de lutte contre le sida : comment sommes-nous censées protéger nos bébés ?

30 novembre 2022 par Olena Stryzhak, présidente de l’organisation ukrainienne Positive Women

L’importance de l’allaitement est reconnue depuis des siècles comme essentielle au développement du bébé. Mais que se passe-t-il si vous devez allaiter votre enfant tout en étant susceptible de lui transmettre une maladie ? De nombreuses mères allaitantes vivant avec le VIH en Ukraine sont confrontées à ce dilemme depuis l’invasion du pays par la Russie en février dernier. Les systèmes de santé se sont effondrés dans d’innombrables zones d’Ukraine actuellement et précédemment occupées. Le manque de lait maternisé oblige un grand nombre de mères – qui n’ont pas accès à leurs traitements antirétroviraux – à allaiter leurs bébés, augmentant le risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant.

En cette Journée mondiale de lutte contre le sida, aucune mère ne devrait avoir à choisir entre laisser son bébé mourir de faim ou lui transmettre le VIH. Mère moi-même, j’ai découvert que j’étais séropositive et enceinte en 2000. Je n’avais pas accès au traitement nécessaire contre le VIH. Cependant, j’ai eu la chance incroyable de donner naissance à un bébé en bonne santé, non porteur du virus.

Malheureusement, ce n’est pas le cas pour toutes les femmes enceintes séropositives. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande que les mères séropositives au VIH puissent allaiter leur bébé, mais seulement si elles ont accès à un traitement antirétroviral et à un diagnostic mensuel de la charge virale. Or, à l’heure actuelle, en Ukraine, beaucoup de nouvelles mères porteuses du virus n’ont pas le choix. La guerre qui sévit en ce moment en Ukraine a détruit le système de soins de santé du pays. Plus de 700 établissements de santé ont été attaqués et d’innombrables agents de santé et patients ont été déplacés, blessés ou tués.

Avant la guerre, le ministère de la Santé ukrainien prévoyait de demander un certificat à l’OMS, déclarant la fin de la transmission du VIH de la mère à l’enfant dans le pays. Cette guerre déchirante a toutes les chances stopper net cette réussite. En 2001, la transmission du VIH de la mère à l’enfant atteignait 27.8 % en Ukraine. En 2021, elle avait chuté à 1.3 %. Les nouvelles données qui seront publiées en 2023 indiqueront vraisemblablement une très forte hausse. En dépit de progrès remarquables dans sa lutte contre le VIH ces dernières années, l’Ukraine est toujours aux prises avec la deuxième épidémie de VIH en importance dans la région d’Europe de l’Est et d’Asie centrale.

Les femmes enceintes séropositives au VIH en Ukraine ont désespérément besoin de l’aide des gouvernements et de la communauté humanitaire pour lutter contre le virus contracté par la prochaine génération d’enfants dans le pays. L’accès à des agents de santé ayant une expérience suffisante de la prise en charge des cas de mères vivant avec le VIH et de la prévention de la transmission materno-infantile – sans stigmatisation ni discrimination – fait cruellement défaut, en particulier dans les régions occidentales de l’Ukraine, qui accueillent de nombreuses personnes déplacées à l’intérieur de leur pays.

Les mères et leurs bébés ont également besoin d’antirétroviraux, de médicaments de base, de trousses sanitaires et de nourriture. Mon organisation, Positive Women, a pu offrir ces services, mais elle ne couvre pas tous les besoins.

D’autres organismes, tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ont octroyé à l’Ukraine des fonds d’urgence de 15 millions de dollars et fourni des médicaments, des fournitures et du matériel vitaux, notamment des groupes électrogènes pour alimenter des établissements de santé privés d’électricité. Positive Women a également reçu du financement du Fonds mondial pour la prise en charge et les soins des femmes et de leurs enfants.

Pourtant, les gouvernements et les organisations du monde entier doivent davantage passer à l’action. En tant qu’êtres humains, nous avons le devoir d’aider les personnes vulnérables et les personnes qui ne peuvent pas faire entendre leur voix. Nous ne devons pas laisser cette guerre anéantir les décennies de lutte contre la transmission du VIH de la mère à l’enfant en Ukraine. Nous devons protéger la prochaine génération d’enfants contre le VIH – en particulier lorsque nous disposons des médicaments pour ce faire.

En cette Journée mondiale de lutte contre le sida, pensez aux personnes les plus vulnérables qui souffrent en Ukraine et aidez notre population à commencer l’année 2023 en meilleure santé et plus heureuse.

Cette tribune est d’abord parue sur le site de TV5Monde.